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Cri du cœur des responsables des services de garde en milieu familial

Cri du cœur des responsables des services de garde en milieu familial

« On ne peut pas en faire plus »

Sainte-Marie, 20 mai 2020. – Responsable d’un service de garde (RSG) en milieu familial depuis près de 25 ans, Carole Dion est inquiète, très inquiète pour l’avenir de sa profession. La présidente du Syndicat des éducatrices et éducateurs en milieu familial de Sainte-Marie — CSN est témoin d’une montée sans précédent de l’angoisse et du stress chez les RSG.

Carole Dion, présidente du Syndicat des éducatrices et éducateurs en milieu familial de Sainte-Marie — CSN.

« Juste dans notre syndicat, il y a une quinzaine de travailleuses qui n’ont pas rouvert ou qui ont carrément fermé pour toujours leur service de garde lors du déconfinement, c’est énorme », expose Carole Dion, « d’ici l’automne, ça va être l’hécatombe si on ne fait rien, le milieu va s’effondrer en raison des dépressions et des burnouts. Les filles sont tout simplement découragées. »

Un déconfinement épuisant

Les services de garde en milieu familial ont rouvert le 11 mai avec des ratios réduits à 50 %, soit de 3 à 4 enfants maximum selon la taille du service. « On a reçu un ensemble de règles sanitaires à respecter pour se protéger et protéger les enfants », explique Carole Dion, « c’est extrêmement lourd ».

Dès l’ouverture, les éducatrices doivent porter masques et gants. Lorsqu’il est impossible de garder une distance d’au moins 1 m avec un enfant, par exemple pour l’habillement, la visière est requise. Il est interdit de faire un câlin ou de serrer un enfant dans ses bras. Puisqu’il faut tout désinfecter en permanence, Carole Dion explique qu’elle a guenille, torchon et désinfectant à la main en tout temps.

« J’ai dû réaménager les locaux et vider la salle de jeu du trois quarts de son contenu –adieu peinture, pâte à modeler et casse-tête – et il y a un bac pour mettre les jouets en quarantaine dès qu’un enfant a fini de jouer avec », explique Mme Dion. Les enfants se doivent de respecter en tout temps la distance de 2 m entre eux. « La gestion de la distance ça va bien si c’est une même fratrie, mais dès qu’il y a plus d’une famille c’est l’enfer. »

Carole Dion précise que la journée de travail est loin de se terminer avec le départ des enfants. « Il faut tout, tout, tout désinfecter pour le lendemain », explique-t-elle. Un sondage auprès des membres du syndicat a révélé que les RSG mettaient en moyenne 1 h 30 à cette tâche. « Le surcroit de travail n’est bien sûr pas dédommagé, pas plus que les frais supplémentaires engagés pour acheter désinfectant et Purell », poursuit-elle.

Les RSG ne peuvent en faire plus

Pour l’heure, les ratios sont à 50 % de ce qu’ils étaient, mais le ministère a annoncé son intention de les faire passer à 75 % le 1er juin et à 100 % le 22 juin. « Les RSG sont découragées, juste l’organisation physique des milieux de garde a été un tour de force », explique Carole Dion, « mais c’est irréaliste de penser que l’on va pouvoir respecter les règles sanitaires si on augmente les ratios. » La présidente du syndicat donne en exemple les dîners. « En ce moment, je dois faire respecter les distances le midi alors il y a un siège vide entre chaque enfant, là ce sera impossible si le nombre d’enfants double ! »

Les responsables en service de garde sont stressées et angoissées par la situation. « On reçoit beaucoup d’appels de nos membres en ce moment, elles trouvent ça complètement irréaliste qu’on songe à leur en demander plus », explique Carole Dion, « je suis très inquiète pour l’avenir de la profession si on continue de presser le citron des éducatrices comme ça ». Pour la présidente du Syndicat des éducatrices et éducateurs en milieu familial de Sainte-Marie — CSN, c’est de plus en plus clair : dans l’immédiat il est impensable d’envisager des ratios plus élevés que 50 %.

« On fait le maximum pour protéger les enfants, mais c’est épuisant », conclut-elle, « on est inquiètes. Sans oublier qu’on ouvre nos maisons et on expose donc nos familles qui ont le droit, elles aussi, de se sentir en sécurité chez elles. Il y a des limites à ce qu’on nous exige. »

Rémunération des paramédics pendant les arrêts de travail en lien avec la COVID, la CTAQ fait bande à part

Rémunération des paramédics pendant les arrêts de travail en lien avec la COVID

La CTAQ fait bande à part

Québec, 14 mai 2020. – Alors qu’un arrêté ministériel prévoit que les travailleuses et les travailleurs reçoivent leur rémunération normale lors d’un arrêt de travail en lien avec la COVID, que ce soit pour un test de dépistage ou pour un retrait préventif dû à une condition médicale (ex. : personnes immunosupprimées), la Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (CTAQ) a choisi de faire bande à part. La coopérative est en effet la seule compagnie ambulancière de la province à ne pas payer les paramédics qui doivent passer des tests COVID ou rester à la maison pour se protéger dans le cadre d’un retrait préventif, ce que déplore le syndicat.

Frédéric Maheux, président de l’Association des travailleurs du préhospitalier (ATPH–CSN),

« Actuellement, les paramédics de la CTAQ doivent prendre congé pour passer un test COVID », explique Frédéric Maheux, président de l’Association des travailleurs du préhospitalier (ATPH-CSN), « ça met tous les travailleurs en danger : au début de la pandémie, les paramédics ne prenaient pas de chance et appelaient la ligne COVID pour demander un test de dépistage dès qu’ils avaient le moindre symptôme, mais là, s’ils doivent piger dans leur banque de congés, ils vont attendre d’avoir des signes et des symptômes évidents. C’est clair que plusieurs paramédics vont être positifs avec peu de symptômes et vont contaminer les autres travailleurs de la compagnie, on joue avec le feu ».

Frédéric Maheux comprend mal le fait que la CTAQ soit la seule compagnie ambulancière dans la province à ne pas rémunérer ses paramédics lors d’un arrêt de travail lié à la COVID. Les autres compagnies se basent sur l’arrêté ministériel d’avril dernier, qui demande de payer les travailleurs à 100 % dans ces cas, pour demander des indemnités et assumer les frais en attendant de les recevoir. « Récemment, la CTAQ expliquait dans une vidéo qu’il est préférable de garder la compagnie en bonne santé financière plutôt que de payer les paramédics et espérer se faire rembourser plus tard », explique le président du syndicat, « comment une coopérative ayant pour but d’améliorer les conditions de travail de ses travailleurs peut-elle décider de prioriser des ristournes alors que nous sommes dans une situation exceptionnelle, ça me dépasse. Toutes les autres compagnies ambulancières, qu’elles soient privées ou étatisées, payent leurs travailleurs lorsqu’ils sont en arrêt de travail à cause de la COVID, même si ça veut dire faire moins d’argent à la fin de l’année. »

Selon le syndicat, la politique de la compagnie est irresponsable. « Nous savons que l’automne sera extrêmement chargé : influenza, gastro, augmentation des problèmes respiratoires pour les personnes âgées, COVID, etc. », explique Frédéric Maheux, « les paramédics auront besoin, à ce moment-là, de leurs congés personnels parce que nous sommes encore plus à risque durant cette période. Si un paramédic n’a plus aucun congé et qu’il attrape la gastro par exemple, il fait quoi ? Il vient travailler pareil et la donne à tout le monde ? »

« On voit ce qui se passe avec les CHSLD et le manque de personnel », poursuit Frédéric Maheux, « les soins aux personnes âgées sont déficients et le personnel est au bout du rouleau. Imaginez une compagnie d’ambulance qui commence à manquer de personnel à la suite d’arrêts pour maladie, dépression, etc. ? » Le président craint le retour des grands délais sur les interventions à cause du manque d’ambulance sur la route. « La compagnie devra trouver une solution temporaire avec des travailleurs qui ne sont pas prêts à travailler ou même qui sont très peu formés », craint-il, « Les paramédics sur le terrain, en plus d’avoir un stress plus élevé à cause du COVID et des mesures de protection additionnelle, devront surveiller leurs collègues et les aider dans leurs tâches au lieu de travailler en équipe. C’est un stress immense qui va s’ajouter au stress déjà extrêmement élevé de devoir travailler lors d’une pandémie ».

L’Association des travailleurs du préhospitalier (ATPH-CSN) demande que les paramédics de la CTAQ reçoivent leur rémunération normale lors d’un arrêt de travail en lien avec la COVID, que ce soit pour un test de dépistage ou pour un retrait préventif dû à une condition médicale (ex. : personnes immunosupprimées), comme tous les autres paramédics du Québec. « Avec la CSN, nous travaillons en prévention en santé et sécurité au travail », conclut Frédéric Maheux, « toutes les recherches et études démontrent clairement que de travailler en prévention plutôt qu’en réaction coûte beaucoup moins cher, il y a un travail qui a été très mal fait à la CTAQ, il faut corriger le tir. »

Mot de la présidente

Sacrifiés sur l’autel de l’austérité

C’est une véritable tempête d’émotions qui nous habite en ce moment. Frustration, colère, impuissance, tristesse, reconnaissance… disons que de trouver un sens depuis les dernières semaines, relève véritablement d’un exploit.

En ce temps de pandémie, il y a quand même quelque chose de surréel. D’abord, l’annonce spontanée de la chaîne Couche-Tard qui a majoré le salaire de ces travailleuses et travailleurs de 2 $ de l’heure, en a laissé plus d’un bouche bée. Après des années de dénonciation de cette multinationale qui refusait de payer convenablement ses salarié-es, et ce, malgré des profits faramineux, voilà enfin, comme par magie, ou presque.

Tout comme du côté des député-es conservateurs qui exigent davantage de transparence et réclament le retour des séances de la Chambre des communes. Quelle blague ! Ces mêmes député-es qui faisaient partie du gouvernement de Stephen Harper qui s’est permis à quatre reprises la prorogation des travaux de la Chambre des communes. À chaque fois, pour des raisons mesquines politiques. Ce même gouvernement opaque qui évitait les points de presse et évitait surtout de répondre aux questions des journalistes. Il faut croire que la Covid-19 n’atteint pas seulement les poumons.

Que dire des centres d’hébergement privés, en grande partie la propriété de multinationales qui sont, de surcroit, sur les marchés boursiers. Là aussi, après des années de dénonciation et de revendications pour que les salarié-es dans ces lieux soient respectés et rémunérés convenablement, le gouvernement Legault nous donne raison en octroyant 100 $ par semaine à chaque travailleuse et travailleur afin de rehausser le salaire et ainsi les reconnaitre. Pendant ce temps, les propriétaires continuent de se remplir allègrement les poches, et ce, sur le dos de ces mêmes salarié-es et sur le dos de nos personnes âgées sans même mettre la main une seule fois dans leurs poches. Depuis des années, ce secteur est un « business crasse ». On doit y voir et mettre fin à cette exploitation éhontée qui dure depuis déjà trop longtemps.

Alors qu’on se plait à répéter « Je me souviens », en réalité notre capacité de mémoire est plutôt faible. Comment expliquer les apparitions de Gaétan Barrette sur toutes les tribunes au début du confinement ? L’ancien ministre de la Santé voulait nous rassurer alors qu’il fait partie intégrante de plusieurs problèmes dans le réseau. Certes, il n’est pas le seul à qui incombe la faute. Des années d’austérité, de multiples réformes, une centralisation constante et du mépris ont contribué graduellement au fil du temps à affaiblir notre réseau, à affaiblir les femmes et les hommes qui ont tout porté au quotidien.

Chaque jour, nous suivons les points de presse du premier ministre. Plusieurs voyaient là un homme en contrôle de la situation. Pourtant, entre ce qui est dit et la réalité, il y a deux mondes. Au départ, il encensait les personnes du réseau de la santé, nos anges-gardiens, disait-il. Aujourd’hui, il ose les pointer du doigt en leur reprochant de s’absenter pour des raisons de maladie. Ses personnes rentrent chez elles profondément blessées dans l’âme, épuisées. Souvent, c’est avec le sens du devoir non accompli. Depuis longtemps, nous décrions les lacunes qui grugeaient peu à peu notre réseau. Cette maltraitance organisationnelle existe depuis au moins 20 ans. Les gouvernements successifs se fermaient les yeux. Aujourd’hui, la réalité nous frappe. 

Le premier ministre poursuit, en débutant toujours avec le nombre quotidien de personnes décédées. Des personnes ainées, pour la plupart, qui ont tout donné et qui terminent leurs vies, pour plusieurs, dans des situations atroces. Les gestionnaires des établissements de santé qui continuent en appliquant leur sacro-sainte mobilité et flexibilité du personnel ce qui ne fait que propager la contagion. Sommes-nous surpris, par la suite, de constater que la Covid-19, qui était présente à un seul étage d’un établissement, se répande comme une traînée de poudre ?

Quelle honte pour une société ! Nous sommes loin de notre revendication de pouvoir « Mourir dans la dignité ». Ils ont plutôt été sacrifiés sur l’autel de l’austérité !

Mais voilà, les écoles ouvriront dans dix jours. Pas les écoles secondaires, les écoles primaires. Malgré les raisons évoquées par le premier ministre, permettez-moi un peu de scepticisme. En rouvrant les écoles primaires, les parents deviennent ainsi prêts pour le marché du travail. Le ministre du Travail en a même rajouté en déclarant que la « peur du coronavirus ne sera pas suffisante pour justifier un refus de travailler lors de la réouverture de l’économie québécoise. Le retour sera obligatoire pour les employé-es à moins qu’ils évoquent une situation particulière déjà prévue dans la loi ou dans leurs conventions collectives. Si la personne n’a pas de motifs raisonnables, c’est sûr que ça fragilise la relation, puis il y a des employeurs qui pourraient considérer la personne comme quittant volontairement son emploi ». 

Voilà c’est dit, c’est clair. Enfants à l’école = parents au travail = reprise économique. Oui, on doit reprendre, mais après sept semaines à se faire dire de rester à la maison, c’est compliqué pour bon nombre de personnes de penser autrement, de se déprogrammer. Surtout que ce n’est pas donné à tous les employeurs de respecter intégralement les consignes de la santé publique et de voir à des équipements de protection individuelle pour leurs employé-es. De la vigilance et une certaine rigueur s’imposent afin d’assurer la protection de toutes et tous car malgré le bien paraître du premier ministre tous les jours, on est loin de la réalité terrain.

En terminant, je voudrais, au nom de l’équipe du conseil central, en ce 1er Mai, transmettre toute notre reconnaissance à ceux et celles qui font la différence chaque jour. Ce sera à nous de réveiller la mémoire collective, que les mercis d’aujourd’hui ne soient pas chose du passé. Que la gratitude d’hier soit traduite par des gestes concrets demain.

Bon 1er Mai !


Extrait du numéro de mai 2020 du journal Le Réflexe.

Le conseil central au temps de la Covid-19

L’équipe actuelle du conseil central, quelques semaines avant la crise.

Le conseil central au temps de la Covid-19

Maintenir le cap en pleine tempête

Le Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) aura réussi le tour de force, comme le reste de la CSN d’ailleurs, de maintenir les services aux syndicats tout en étant forcé de fermer ses bureaux et de faire passer son équipe en télétravail. Le Réflexe propose un premier état des lieux.

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information


Comment l’équipe s’est redéployée

« Aussitôt qu’on a eu toute l’information sur l’ampleur de la crise, on a fait le point sur l’état de la situation », se rappelle Pierre Lachance, coordonnateur du conseil central, « on a commencé par renvoyer à la maison, en télétravail, les personnes immunosupprimées et celles à la santé fragile ». Les évènements ont déboulé par la suite.

« On a eu plusieurs réunions pour se doter d’un plan de travail pour communiquer avec les membres et répondre à leurs besoins », explique Pierre Lachance, « dès le début, on s’est donné comme objectif de rejoindre tous nos syndicats pour s’informer de leurs besoins, répondre à leurs questions et les informer des prestations disponibles. On les a pratiquement tous rejoints et on est à même de constater que c’est apprécié, les gens sont contents qu’on les appelle ».

Lorsque les bureaux ont dû fermer, l’équipe s’est assurée d’en informer les membres, de prendre tous les dossiers en cours, le matériel nécessaire pour le télétravail et de faire transférer les lignes des bureaux vers les cellulaires, pour ne manquer aucun appel. 

Le comité exécutif a veillé à maintenir la proximité et la cohésion entre les membres de l’équipe. « Habituellement, on se voit au quotidien et l’information circule naturellement dans les bureaux, c’est important de prendre les moyens pour que l’information continue de circuler et éviter de travailler en silo », indique la présidente du conseil central, « le comité exécutif se réuni tous les jours et l’équipe au moins une fois par semaine pour partager l’information. On a été obligé d’annuler l’assemblée générale du 1er mai, mais on a tenu une rencontre du conseil syndical ». 


Les formations annulées

« Il a fallu annuler avec tristesse le calendrier normal de formations », explique Barbara Poirier, la vice-présidente responsable de la formation, « mais, c’est sûr que les besoins sont toujours là, on y répond de manière individuelle pour le moment ». L’équipe travaille actuellement sur le calendrier de formations de l’automne. « Il est hors de question qu’il n’y ait pas de formations au conseil central l’automne prochain », lance Barbara Poirier, « mais ça se peut que l’on doive adapter nos formules habituelles pour respecter les consignes de la santé publique, on verra ». 


Trésorerie

Louis Hamel, le trésorier du conseil central, mentionne que tous les services en matière de trésorerie sont maintenus, à distance. « C’est sûr qu’on ne peut pas s’assoir avec les gens comme d’habitude, mais nous sommes toujours disponibles et on donne le support aux trésoriers des syndicats », explique-t-il, « on s’adapte, ça se fait à distance, au téléphone ».


Répondre aux besoins des syndicats

« On continue de répondre aux syndicats pour les questions de chômage et de référer aux bonnes personnes pour les questions de santé-sécurité au travail », explique Pierre Lachance, « les conseillers du conseil central continuent d’être en lien étroit avec les conseillers des fédérations pour réagir à toute situation ».

« Il a fallu adapter notre façon de répondre aux besoins et diffuser l’information aux syndicats », explique Ann Gingras, « l’équipe a produit des outils pour les syndicats comme des tableaux forts appréciés sur les prestations disponibles pour les travailleuses et les travailleurs, un guide sur le retrait préventif et un forum virtuel en santé-sécurité. On a vraiment optimisé les réseaux sociaux pour que ce soit des sources d’information ». Évidemment, le travail habituel de soutien en matière de communication a été maintenu, que ce soit par le contact régulier avec les médias, des communiqués de presse ou la production de capsules vidéo (ou du journal).

« Le quotidien d’une organisation syndicale est fait de rencontres et de réunions, ça se joue dans les relations sociales entre les gens et dans la fonction de conseil politique », explique Ann Gingras, « il faut que l’on soit capable de continuer à participer à des assemblées générales, des rencontres de secteur, des instances du mouvement, c’est juste qu’en ce moment on le fait différemment, par des moyens virtuels (Skype surtout, mais aussi par conférence téléphonique) ». 


Retour vers le futur

« Notre première préoccupation, quand la crise a éclaté, a été envers nos syndicats », se rappelle Barbara Poirier, « on a regardé autour de nous pour prendre la température de l’eau et voir l’ampleur des dégâts. On constate que les syndicalistes sont devenus des guerriers et des guerrières dans cette crise, c’est rassurant et ça nous remplit de fierté. »

« C’est important que le mouvement continue d’échanger et de faire des mises en commun, le grand défi c’est d’éviter l’isolement », croit Ann Gingras. Les instances de la CSN ont tenu le coup. « Notre première instance a été un bureau confédéral où nous n’avons pas eu le choix de décider de reporter le congrès de la CSN, initialement prévu en mai, à la semaine du 18 janvier 2021 », raconte la présidente du conseil central, « il y a eu plusieurs autres rencontres ainsi que des réunions des présidences des fédérations et des conseils centraux animées par le président de la CSN, c’est important pour être capable de maintenir une certaine cohérence à travers le Québec ».

« Pendant la crise, la grande priorité a été d’abattre les cloisons et de ne pas travailler en silo, je pense que c’est important de garder cette orientation et de continuer de développer le travail syndical dans ce sens-là », conclut Ann Gingras, « il va falloir que l’on revoie notre façon de faire, on est un mouvement de rencontres, de réunions d’humains, il faudra s’adapter selon les nouvelles consignes de la santé publique tout en s’assurant que ce soit pas tout l’aspect démocratique qui en souffre en bout de ligne. Je suis convaincue que nous allons en sortir renforcis ». 


Condition féminine

Une nécessaire prise de conscience

« La crise a un impact encore plus grand sur les femmes », affirme Barbara Poirier, la responsable politique de la condition féminine au conseil central. La crise a révélé à quel point tous les bas salarié-es sont essentiels au fonctionnement de notre société. 

« Il faut dire que 80 % des bas salarié-es, dans le public comme le privé, sont des femmes », dit Barbara Poirier, « on est dans le care, les services à la personne, en plus, à cause de la nature de nos emplois, ça a été particulièrement difficile pour nous, et là on ne parle même pas de la question de la violence conjugale ».

« J’espère qu’il va y avoir une prise de conscience à la suite de la crise, face à l’importance du travail des femmes dans la société », dit Barbara Poirier. Selon elle, « le comité des femmes du conseil central a su trouver encore plus de matière à militer, la crise met en lumière toutes les raisons d’être féministes aujourd’hui ». 


Extrait du numéro de mai 2020 du journal Le Réflexe.

Le travail au temps de la Covid-19

Photo : Polina Tankilevitch

Le travail au temps de la Covid-19

Syndiqué-es et syndicats au front 

Le Québec sur pause, l’image est séduisante et a fait école dans les médias. Mais, c’est oublier un peu vite que plusieurs milieux de travail ont maintenu leurs activités depuis le début de la crise. Le Réflexe est allé à la rencontre de certains de ces syndiqué-es et syndicats qui sont restés au front pendant la pandémie.

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information


Santé et services sociaux

L’importance vitale de rester vigilant

Les travailleuses et les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux sont évidemment aux premières lignes dans la lutte contre la Covid-19. Les syndicats ont dû faire preuve d’une grande vigilance, tant pour défendre les droits de leurs membres malmenés à coup d’arrêtés ministériels, que pour faire triompher le gros bon sens.

Une bonne collaboration, mais…

Pierre Émond, président par intérim du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CHU de Québec (CSN), reconnait sans problème qu’il règne une bonne collaboration avec la direction. « On se parle tous les jours et, sur le plan des relations de travail, ça se passe bien », nous dit-il. Ce qui n’empêche pas que le syndicat a dû intervenir vigoureusement pour faire triompher le gros bon sens.

Pierre Émond, du CHU de Québec

Contrairement à ce qu’on aurait peut-être pu croire, le CHU n’a pas été confronté directement à un foyer d’infection de la Covid-19, la maladie ayant plutôt fait des ravages dans les CHSLD (qui relèvent du CIUSSS). Le CHU a donc accepté de prêter du personnel, sur une base volontaire, pour aller aider là où c’était nécessaire. « Les gens lèvent la main, dès la première semaine, plus de 175 personnes se sont portées volontaires pour aller prêter main-forte au centre de convalescence installé à l’Hôtel Le Concorde, à la Maison Paul-Triquet et dans un CHSLD de Laval », explique le président par intérim.

Lorsque la direction du CHU a annoncé qu’elle n’avait pas l’intention de faire passer de tests à la quinzaine de personnes qui étaient allées prêter main-forte à Laval, Pierre Émond n’en croyait pas ses oreilles. « Pour nous ça n’avait pas d’allure, en toute logique les gens devraient passer des tests et être mis en quarantaine, c’est le gros bon sens », dit le syndicaliste, « nous avons écrit à la santé publique, la fédération a alerté les journaux et la CSN a contacté la CNESST ».

Ce n’est qu’après deux jours d’attention médiatique que la direction du CHU a changé son fusil d’épaule et a décidé de placer en isolement les personnes symptomatiques et de tester tout le monde. « Je suis content qu’on aille aider là où c’est chaud, c’est un beau geste, je dis bravo le CHU, mais faites-leur passer des tests, c’est quoi 15 tests ? », demande Pierre Émond, « la logique c’est ça, ils nous disent de ne pas aller dans d’autres régions, notre demande c’est juste le gros bon sens ».

Loin d’être un cas isolé, tous les syndicats du secteur de la santé ont dû faire des interventions similaires pour faire triompher le gros bon sens. Par exemple, au CIUSSS de la Capitale-Nationale, il a fallu des interventions médiatiques pour que cesse la mobilité du personnel entre les sites contaminés et les autres.

Penser l’après Covid-19

Du côté des professionnels et des techniciens en santé et services sociaux, la présidente du SPTSSS, Nicole Cliche, s’inquiète pour l’après-Covid. « On a une bonne collaboration avec l’employeur, mais il faut parler des services sociaux, par exemple en santé mentale, il y a du monde qui va tomber quand la poussière va retomber, on va voir des dépressions et des burnout, on aura besoin que le réseau des services sociaux soit équipé pour y faire face », illustre-t-elle.

Nicole Cliche du CIUSSS-CN

Nicole Cliche se dit préoccupée par la santé de ses membres. « On a des gens qui sont au front, qui suivent à la lettre les consignes et les mesures de protection, mais qui tombent malades pareil », révèle-t-elle, « nos connaissances du virus sont encore partielles, il faut qu’on apporte rapidement les correctifs si on se rend compte que les mesures de protection ne font pas leur travail ».



Résidences privées pour aînés

Rentrer travailler la peur au ventre

« Les travailleurs et les travailleuses rentrent avec la peur au ventre, mais on est heureux de n’avoir eu aucun cas de Covid dans nos résidences depuis le début de la crise », lance Gilles Gagné, président du Syndicat des centres d’hébergement privés de la région de Québec (CSN).

Au début de la crise, le syndicat a pris l’initiative d’envoyer une lettre à tous les employeurs pour les appeler à respecter les mesures préconisées par la santé publique. Des conférences téléphoniques régulières avec les délégué-es permettent de constater que c’est bien respecté dans l’ensemble.

Gilles Gagné, président du Syndicat des centres d’hébergement privés de la région de Québec (CSN)

Il ne manque pas d’équipement de protection individuelle, les gens portent des masques, des visières et des gants notamment. « On a des agents de sécurité aux portes, les salles à manger sont fermées et ce sont des cabarets dans les chambres », indique Gilles Gagné, « ce n’est pas une situation facile pour nos résidents qui, en plus, sont privés de leurs familles ».

« On a une bonne collaboration avec les employeurs, mais il y a une certaine frustration par rapport à la reconnaissance, ça ne va rien leur coûter, c’est le gouvernement qui paie pour tout », note Gilles Gagné, « à l’heure actuelle, il n’y a pas de propriétaire qui sort de l’argent de ses poches en prime pour ses employé-es ».

Même avec la prime de 4 $ de l’heure, les employé-es des résidences privées gagnent moins que les employé-es du secteur public. « Pour régler le problème de pénurie de main-d’œuvre dans le secteur, il faudrait que la prime soit permanente », croit Gilles Gagné, « il faut que le gouvernement se responsabilise auprès des aîné-es et leur donne les services auxquels ils ont droit et régisse un peu plus les conditions de travail dans les résidences privées ».


Petite enfance

Les travailleuses ne veulent pas jouer à la police

Les travailleuses des CPE et des services de garde en milieu familial demandent des règles claires pour encadrer le déconfinement, afin de ne pas avoir à jouer à la police avec les parents.

« Jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de problèmes graves dans les CPE », dit Louise Labrie, représentante du secteur des Centres de la petite enfance à la FSSS-CSN, « on a eu une bonne collaboration avec la plupart des employeurs. Le problème c’est que le ministère fait des recommandations, mais que le droit de gérance demeure ». 

Louise Labrie des CPE

« On est habituées d’être confrontées à des virus bénins », explique Louise Labrie, « se retrouver confrontées à quelque chose d’aussi majeur que ça c’est difficile pour beaucoup de travailleuses, on se sent poussées au front pour permettre aux services essentiels de fonctionner et maintenant à l’économie de repartir. » L’enjeu principal pour le syndicat est le refus de retirer des travailleuses plus à risque à cause de problèmes de santé, « les employeurs veulent qu’elles se mettent en sans solde ou en maladie alors que le ministère leur donne des sous pour pouvoir les payer ». 

« À partir du moment où on va augmenter le nombre d’enfants, il va y avoir des enjeux parce qu’on a une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur », indique la représentante syndicale. Actuellement, plusieurs travailleuses sont affectées à des opérations de désinfection intensives tandis que d’autres s’occupent des enfants. « On risque de manquer de monde pour la désinfection et ça va poser des problèmes pour la continuité des services », dit Louise Labrie, « c’est une roue qui tourne, il va falloir être extrêmement prudent avec le plan de déconfinement ».

Les mesures de distanciation sociale mises en place pendant le confinement risquent d’être difficiles à appliquer dans l’avenir. « Actuellement, il n’y a pas de parent qui entre dans les installations, on fait l’accueil individuel des enfants, ça va être difficile de maintenir ça », pense Louise Labrie. Par contre, les travailleuses qui n’avaient pas accès à des équipements de protection individuelle, sauf des gants, auront désormais accès à des masques et des visières.

Milieu familial

Du côté des services de garde en milieu familial, la situation est source d’énormément de stress. « Pour les travailleuses, leur maison c’est le lieu sécuritaire, mais nous on l’ouvre à plusieurs familles notre maison », explique Sylvie Gobeille, présidente du Syndicat des éducatrices en milieu familial de Portneuf (CSN), qui précise qu’elle n’a aucune manière de savoir si les parents respectent les mesures de distanciation sociale au quotidien. 

Sylvie Gobeille des RSG

Sylvie Gobeille déplore que les RSG aient été laissées dans le noir jusqu’à la dernière minute. « Ça a un effet sur la santé mentale des personnes, on a beaucoup d’appels et de courriels de nos membres », explique la présidente, « on a encore des questions sans réponses sur les éducatrices âgées, qu’est-ce qu’elles vont faire les RSG qui ont plus de 60 ans ? Qui va les payer ? ». La charge de travail, avec la désinfection et la distance à maintenir tant bien que mal, va s’alourdir et changer la donne. « La garderie que les enfants vont retrouver, ce ne sera pas la garderie qu’ils ont connue », explique-t-elle, « on va être de moins en moins des éducatrices, faute de temps ».

« On veut rouvrir, on comprend que c’est important, mais on veut avoir des directives claires et des outils », conclut Sylvie Gobeille, « on veut une marche à suivre qui va être partagée avec les parents sinon on s’en va vers des chicanes avec les parents ». La dernière chose que veulent les travailleuses c’est de devoir jouer à la police avec les parents.


La photo évoque un aspect de la situation dont François Chassé n’a pas parlé dans l’entrevue, mais qui est très exigeant pour beaucoup de profs : la conciliation travail-famille.

CÉGEP

La crainte du précédent

Comme la question de l’enseignement à distance était l’un des gros enjeux de la négociation sectorielle, on comprendra la nervosité de François Chassé, président du Syndicat des professeurs du collège François-Xavier-Garneau (CSN). 

« Chez nous, grosso modo, les choses se passent plutôt bien », nous dit François Chassé, « les balises de la reprise de la session ont été discutées entre la direction et le syndicat, on ne s’est pas colletaillés, tout le monde travaille dans le même sens. » Pour tout ce qui concerne l’organisation pédagogique, syndicat et direction travaillent pratiquement en mode paritaire, nous dit-il.

Au début, le syndicat a dû faire des représentations pour amener la direction à communiquer plus efficacement avec le personnel et les étudiantes et étudiants. Par la suite, le rôle syndical fut plutôt de piloter la relance de la session avec la direction. L’équipe syndicale en ressort renforcie. « On a beaucoup axé notre action sur la communication avec les membres, ça a été très apprécié parce que, dans notre contexte, c’est beaucoup plus le syndicat qui informe les membres de ce qui se passe que la direction », explique François Chassé.

Enseignement à distance

« Essentiellement, les profs sont pris pour adapter leur enseignement pour le donner à distance », explique le président du syndicat, « c’est une expérience tout à fait nouvelle qui pose de gros défis d’adaptation et demande des compromis sur nos idéaux de perfection ». Ça a été un casse-tête au début parce que les profs n’avaient même pas accès au CÉGEP pour récupérer leur matériel, mais depuis deux semaines ils ont un accès contrôlé. Selon François Chassé, ça se passe bien dans la mesure où la direction ne met pas trop de pression. « On nous a dit qu’il fallait être réaliste et qu’on s’attendait à ce que tout le monde fasse son possible », dit-il.

La forme de la reprise demeure incertaine. « Le feeling au national c’est que ça va finir avec une reprise hybride à l’automne avec des mesures d’étalement de l’horaire, une partie des cours en présentiel et une partie à distance », explique François Chassé, « il faut comprendre que ce n’est pas du tout la même chose, terminer une session en catastrophe et en commencer une à distance ».

« On a un peu l’impression que le dentifrice est sorti du tube avec l’enseignement à distance et qu’on est en train de faire une gigantesque expérimentation pratique à laquelle on n’aurait jamais consenti normalement. Ça va influencer notre réflexion et notre rapport de force sur cet enjeu, on ne sait juste pas si ce sera positif ou négatif » laisse-t-il tomber, « on espère juste qu’on n’est pas en train de créer un précédent ».


SAQ

Devoir se battre pied à pied

« Est-ce que vous avez une bonne collaboration de l’employeur ? » La réponse tombe, sans hésitation, « non ». « Il faut toujours se battre et argumenter, ça devient lourd », explique Pascale Sauvageau, déléguée régionale de la Capitale-Nationale Est au SEMB-SAQ, « on dirait que la SAQ n’est pas humaine en fait ».

Pascale Sauvageau nuance, un peu, « ça va mieux, on a eu beaucoup de difficultés, la SAQ a été très lente à réagir ». Les plexiglas qui sont apparus un peu partout, par exemple, ne sont arrivés que dans la semaine du 4 avril à la SAQ. « On se sent plus en sécurité depuis », dit la déléguée.

Pascale Sauvageau, sur les lignes de piquetage de la SAQ il y a un an et demi.

« Ça a été long pour que les gens qui ont des problèmes de santé puissent se retirer, ça s’est réglé début avril, on a plusieurs membres qui ont dû piger dans leur banque de congé et de maladie, la SAQ a été très lente à s’occuper des gens plus fragiles », dit Pascale Sauvageau, « même aujourd’hui, ce n’est pas réglé, la SAQ est souvent à côté de la plaque par rapport aux situations que vivent les gens avec les enfants, les conjoints en télétravail, etc. ».

« La crise a amené beaucoup de difficultés pour les temps partiels, les nouvelles heures d’ouverture ont amené beaucoup de coupures d’heures », explique la déléguée, « tout le mois d’avril a été un combat assidu pour récupérer ce qu’on a perdu et c’est encore très bas ». Selon Pascale Sauvageau, la SAQ fait plus de profits que d’habitude avec moins d’effectifs. « Résultat : on a des employé-es à bout et fatigués », explique-t-elle.

Contrairement à plusieurs autres endroits, il n’y a pas eu de prime Covid à la SAQ. « On n’a pas de prime et on n’en a pas demandé comme syndicat », explique Pascale Sauvageau, « on se considère privilégiés parce qu’on reste ouvert, on continue de travailler, on a un bon salaire, on ne voulait pas avoir encore l’air de bébés gâtés dans les médias ». Par contre, selon la déléguée, la SAQ va devoir allumer et offrir plus d’heures, en dehors des heures d’ouverture, pour permettre d’organiser la logistique dans les magasins.

« C’est une situation pas facile, on est pris là-dedans pour un bout, on va respecter toutes les normes et les faire respecter par les clients », dit Pascale Sauvageau qui conclut en invitant le public à manifester son appréciation au personnel des commerces. « On apprécie les remerciements de la clientèle, on n’en a pas beaucoup, saluez donc les travailleuses et les travailleurs quand vous allez à l’épicerie, à la pharmacie, ça fait une différence pour le moral de tout le monde », dit-elle.


Olymel

Travailler dans un aquarium

« On travaillait dans un abattoir, on est rendu dans un aquarium », illustre Martin Maurice, président du Syndicat des travailleurs d’Olymel Vallée-Jonction (CSN), pour parler de l’omniprésence du plexiglas dans l’usine.

« Présentement, ça ne va pas si pire, on a eu 17 cas de Covid sur les quarts de soir, 5 personnes sont maintenant guéries », nous dit le président du syndicat, « côté production, ça roule à plein régime ». Les mesures ont été longues à mettre en place, « on a pris deux semaines de retard, sans ça on n’aurait peut-être pas eu autant de cas ».

Martin Maurice, d’Olymel, Vallée-Jonction.
Photo : Clément Allard

Si la direction locale était ouverte à collaborer avec le syndicat, la haute direction de Saint-Hyacinthe bloquait. « Le syndicat a dû faire des démarches auprès de la CNESST et de la santé publique, on a envoyé deux mises en demeure à Olymel », explique Martin Maurice qui dit avoir dû mettre beaucoup de pression avant d’obtenir gain de cause, « j’ai passé deux semaines en conférence téléphonique, tous les soirs ».

Aujourd’hui, les mesures sont en place. « Il y a une prise de température volontaire à l’entrée et une personne qui pose des questions sur la présence de symptômes, il y a du plexiglas pratiquement partout pour séparer les travailleurs, là où il n’y en a pas la visière est obligatoire, le port du masque est volontaire, sauf pour ceux qui sont en contact quotidien avec plusieurs personnes », énumère le syndicaliste. La cafétéria a été réaménagée pour respecter le 2 mètres de distance et six roulottes ont été ajoutées pour compenser, les horaires ont changé pour éviter que les quarts de travail se croisent et des gardiens de sécurité ont fait leur apparition pour faire respecter le 2 mètres de distance entre les travailleuses et les travailleurs.

Une prime de risque de 2 $ de l’heure a été instaurée. « Au début, c’était une prime d’assiduité, mais comme c’est contre-productif, les gens risquent de venir travailler malades pour qu’elle soit payée, on a fait changer ça en prime de risque », explique le président du syndicat qui indique que le temps supplémentaire, la formation et l’embauche sont suspendus pour l’instant. « On leur a aussi demandé d’arrêter de gérer l’absentéisme et de donner un break aux gars », ajoute-t-il.

« Présentement, on se sent quand même assez en sécurité, on verra avec le déconfinement comment ça va se passer », dit Martin Maurice, « le masque va probablement devenir obligatoire ». « Ce qu’il faut réussir à faire comprendre aux gens c’est que ce n’est pas juste pour eux les mesures de distanciation sociale, c’est la santé de tous les travailleurs qui est en jeu, c’est collectif », conclut le président du syndicat. 



Entrepôt Métro

Le bon exemple 

La chaîne Métro est exemplaire si on en croit Luc Lafond, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des Épiceries Unies Métro-Richelieu Newton Québec (CSN). « Pour une fois que je suis d’accord avec Métro… », laisse-t-il tomber, tout surpris.

« Ça se passe bien à l’entrepôt », nous dit Luc Lafond, « dès la première semaine, Métro s’est adapté, ils ont pris de bonnes mesures, là-dessus ils ont fait du bon travail ». Le président du syndicat est informé au fur et à mesure de tous les changements et a un suivi quotidien.

Luc Lafond, de l’entrepôt Metro

« C’est sûr qu’il y a toujours un peu d’inquiétudes, mais on n’a pas vécu trop de stress, sauf au début », explique le président du syndicat, « les employé-es ne sont pas obligés de rentrer s’ils sont à risque, on a quatre membres qui ont choisi de rester chez eux ». Métro a rapidement instauré une prime de risque de 2 $ de l’heure du 8 mars au 30 mai.

« Quand on rentre à l’entrepôt, il y a une station de lavage de mains, un questionnaire sur les symptômes et une infirmière qui prend ta température », explique Luc Lafond, « il y a des lingettes pour désinfecter les équipements qu’on utilise, il faut les nettoyer à chaque fois, il y a plus de tolérance pour la préparation des commandes, on respecte la distance de 2 mètres partout, ils ont réaménagé la cafétéria et les pauses ».

« Je pense que la crise va avoir un impact sur l’emploi, d’après moi ça va être plus stable, les gens vont rester plus longtemps », pense Luc Lafond « avant la crise il manquait 25 personnes à l’entrepôt, là on a pu en engager 30, pour la première fois depuis longtemps, il n’y a plus de temps supplémentaire. Je pense qu’il y aura moins de pénurie de main-d’œuvre et que ça va changer nos habitudes de vie ».


Reprise et déconfinement

La santé-sécurité au travail doit être une priorité nationale

Si les choses se sont bien passées dans la majorité des cas, nous avons été à même de constater, comme l’a fait le président de la CSN dans un communiqué récent, que ce ne fut pas le cas partout. « Il a fallu se battre à de nombreux endroits afin de s’assurer que la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs soient correctement protégées », rappelle Jacques Létourneau. 

Nous sommes bien obligés de lui donner raison lorsqu’il avertit que « si le gouvernement pense que le renforcement des mesures de santé et de sécurité au travail se fera comme par magie, il se trompe totalement. Des directives très claires doivent être envoyées sans délai aux employeurs afin que les équipements de protection individuels soient accessibles pour les employé-es et que des mesures soient prises en matière de distanciation sociale. »

Jacques Létourneau, président de la CSN

La CSN souligne que, tant dans le secteur privé que dans les secteurs publics et parapublics, de nombreux problèmes de santé et de sécurité au travail sont survenus en lien avec la propagation de la COVID-19. Ce fut le cas, comme nous avons pu le constater, dans certains réseaux de transport en commun, dans la chaîne agroalimentaire, dans le commerce au détail et dans certaines sociétés publiques comme la SAQ, sans parler du réseau de la santé et des services sociaux, où des travailleuses et des travailleurs ont été contaminés.

Là où les employeurs ont fait preuve d’ouverture et ont favorisé le dialogue avec les syndicats, les choses se sont beaucoup mieux passées. De nombreux ajustements peuvent être apportés en matière d’horaires, d’organisation du travail et de mise en place de mesures qui diminuent les risques de propagation. Les résultats parlent d’eux-mêmes dans les milieux de travail où cette collaboration s’est concrétisée.


Extrait du numéro de mai 2020 du journal Le Réflexe.