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Lettre ouverte | Cégep de Lévis-Lauzon : le ministre doit intervenir

Cégep de Lévis-Lauzon. Crédit photo : Simon Villeneuve (wikipedia)

Québec, 28 mai 2020

Lettre ouverte au ministre Jean-François Roberge

Monsieur le ministre,

Je me souviens avoir participé à plusieurs activités de mobilisation, il y a quelques années, au Cégep Garneau. Les syndicats de l’institution collégiale de Québec en avaient alors contre le mode de gestion autoritaire et opaque de leur direction de l’époque. Il s’agissait, entre autres, de Mme Isabelle Fortier, actuellement directrice générale du Cégep de Lévis-Lauzon.

Malheureusement, je n’ai pas été surprise outre mesure lorsque j’ai pris connaissance, la semaine dernière, du jugement du Tribunal administratif du travail contre deux hautes dirigeantes. Ce jugement concerne un cas de harcèlement psychologique et de représailles au Cégep de Lévis-Lauzon. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Si nous ne voulons pas revivre un éternel « jour de la marmotte », au Cégep de Lévis-Lauzon où ailleurs, il faut intervenir pour changer les choses. Étant donné la réaction plus que décevante du conseil d’administration qui a choisi de pelleter le problème en avant en commandant un diagnostic institutionnel et en pointant du doigt les relations de travail plutôt que de sanctionner les fautes et les travers des dirigeantes mises en cause, c’est au ministre d’agir.

Pour bien fonctionner, le modèle collégial a besoin d’une gestion collégiale, justement, et celle-ci repose sur la confiance et le respect mutuel. Un style autoritaire et opaque, qui exclut ou marginalise les acteurs internes, n’a pas sa place et se révèle contre-productif. Pire, il entrave le modèle et empêche les organisations collégiales d’atteindre leur plein potentiel et de rayonner comme il se doit sur toute une région.

À titre de ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Monsieur Roberge, vous devez intervenir, afin, dans un premier temps, de rassurer les employé-es. Le ministère doit réitérer qu’il n’y a pas de place dans un Cégep pour des dirigeantes qui exercent des tactiques d’intimidation et de harcèlement psychologique. Ces pratiques doivent être condamnées et sanctionnées. Ainsi, plutôt que d’en rajouter et de porter la cause en appel, une utilisation mal avisée des fonds publics à notre avis, le conseil d’administration du Cégep de Lévis-Lauzon aurait dû prendre acte du jugement et se gouverner en conséquence.

Monsieur le ministre, il faut envoyer un message clair que les choses vont changer. Il est urgent d’assainir le climat de travail et de restaurer la confiance des personnes qui se dédient, tous les jours, pour faire rayonner le Cégep de Lévis-Lauzon tant pour ses milliers d’étudiantes et étudiants que toute sa communauté.

Cordialement,

Ann Gingras, présidente

Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN)

La direction du Cégep de Lévis-Lauzon condamnée pour harcèlement et représailles

Cégep de Lévis-Lauzon. Crédit photo : Simon Villeneuve (wikipedia)

La direction du Cégep de Lévis-Lauzon condamnée pour harcèlement et représailles

Québec, le 22 mai 2020 – « Charge disciplinaire brutale », « ton acrimonieux », « menaces », « exercice abusif du droit de gérance », « climat néfaste », propos à teneur « attentatoire », « atteintes à la dignité », « force de frappe », c’est en ces termes que la juge Myriam Bédard du Tribunal administratif du travail (TAT) condamne le Cégep Lévis-Lauzon à payer d’importants dommages moraux et punitifs pour avoir toléré et exercé du harcèlement psychologique contre un de ses cadres et pour avoir employé des mesures de représailles à la suite d’une plainte que ce dernier avait déposée.

Cette décision alimente l’inquiétude déjà existante au sein du personnel. D’autant plus que les principales protagonistes du harcèlement psychologique sont la directrice générale du Cégep et la directrice des ressources humaines. Ces deux personnes sont des personnes clés pour régler les litiges en relations de travail. « L’employeur a la responsabilité, par la loi, de maintenir un climat de travail sain et exempt de harcèlement. Nous sommes plus que préoccupé.es des conséquences d’une telle décision sur le traitement, dans l’avenir, des dossiers aussi délicats que le harcèlement psychologique. Qui osera dénoncer à ces mêmes personnes ? » déplore Marie-Pierre Gagné, présidente du Syndicat des professeures et professeurs du Cégep de Lévis‑Lauzon (FNEEQ-CSN).

En plus des dommages, le Cégep a dû dépenser des ressources considérables, en temps et en argent, pour se défendre devant le tribunal. Yves Hallé, président du Syndicat du personnel de soutien du Cégep de Lévis‑Lauzon (FESSP-CSN), avait d’ailleurs interpellé le Collège dans les derniers mois, concernant l’utilisation que le Collège faisait des fonds publics à la suite des départs de deux autres cadres. Or, avec ce jugement, ces questions, qui étaient demeurées sans réponse, sont d’autant plus préoccupantes. M. Hallé se dit « très inquiet pour la suite des choses et l’avenir du Collège ».  

Une gestion opaque semble être devenue la norme dans cet établissement collégial. « Des personnes devront répondre de leurs actes. De sérieuses questions devraient d’ailleurs être posées sur le rôle du conseil d’administration. À quel point est-il indépendant de la direction du collège ? Ses membres sont-ils encore en mesure d’assumer leurs obligations légales ? » questionne Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN). L’inquiétude des syndicats n’est pas étonnante. D’ailleurs, l’automne dernier, malgré l’opposition unanime des syndicats et de la Commission des études, le conseil d’administration a renouvelé le contrat de la directrice générale pour cinq autres années.

Pour les syndicats, c’est l’exercice de la gouvernance au Cégep de Lévis-Lauzon qui devrait être scruté à la loupe. « Bien que les ressources du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur soient monopolisées par la crise sanitaire, il ne faudrait pas que la situation dégénère au risque de devoir exiger une tutelle », conclut pour sa part Ann Gingras.

Iniquité dans les résidences privées pour personnes âgées

Résidence La Roseraie (source : Google)

Iniquité dans les résidences privées pour personnes âgées

Le Groupe Sélection refuse de verser les primes gouvernementales rétroactivement

Québec, 21 mai 2020. – Alors que plusieurs employeurs du secteur privé ont accepté de verser des primes à leurs employé-es des résidences pour personnes âgées pour la durée de la crise Covid, le Groupe Sélection a choisi à ce jour de ne pas verser les montants rétroactifs au 15 de mars, ce que dénonce le Syndicat des centres d’hébergement privés de la région de Québec (CSN).

« Il y a une certaine iniquité dans le secteur privé des résidences pour personnes âgées actuellement », dénonce Gilles Gagné, président du Syndicat des centres d’hébergement privés de la région de Québec (CSN). Des entreprises ont choisi de donner une prime de 2 $ à leurs employé-es, en sus de ce que le gouvernement donnait, alors que d’autres comme le Groupe Sélection refusent et ne versent même pas les rétros annoncées par le gouvernement Legault. « Les salaires sont extrêmement bas dans le secteur, c’est un peu insultant de voir si peu de considération pour les employé-es dans un contexte de pandémie », dénonce Gille Gagné.

« C’est inconcevable que des multinationales, dans un marché captif aussi rentable, ne sortent rien de leurs poches dans le contexte actuel », dénonce Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), « l’importance de cette forme de reconnaissance élémentaire, considérant la pandémie actuelle, semble échapper complètement au Groupe Sélection. En plus, l’argent gouvernemental destiné à rehausser rétroactivement les salaires des personnes qui frôlent le salaire minimum est où ? La ministre de la Santé et des Services sociaux doit y voir. Ce n’est pas suffisant d’annoncer des primes, le gouvernement a une responsabilité de s’assurer que l’argent se rende dans les bonnes poches. »

Rappelons que plusieurs propriétaires d’entreprises ont instauré une prime similaire à celle du gouvernement en plus de celle-ci. Des entreprises non assujetties aux bonifications gouvernementales ont également pris l’initiative de bonifier le salaire de leurs employé-es en reconnaissance de leur travail au sein de celle-ci pour la durée de la pandémie. Or, le Groupe Sélection, propriétaire des résidences Les Marronniers et La Roseraie dans la région, a été interpelé par le syndicat au début du mois d’avril et n’a toujours pas communiqué ses intentions. « C’est une étrange manière de procéder que d’ignorer une demande légitime de salarié-es qui mettent leur santé à risque pour un salaire de misère », renchérit Lucie Langlois, vice-présidente régionale de la Fédération de la santé et des services sociaux de Québec–Chaudière-Appalaches (FSSS – CSN).

Gilles Gagné souligne que si le gouvernement du Québec a fait un bout de chemin, notamment en ce qui concerne les préposé-es aux bénéficiaires (PAB), le Groupe Sélection, comme employeur, doit également reconnaître tout le travail accompli par ses salarié-es en cette période difficile. « Nous demandons au Groupe Sélection de bonifier le taux horaire de l’ensemble de ses employé-es pour la durée de la pandémie en versant les sommes dues », conclut monsieur Gagné.

Cri du cœur des responsables des services de garde en milieu familial

Cri du cœur des responsables des services de garde en milieu familial

« On ne peut pas en faire plus »

Sainte-Marie, 20 mai 2020. – Responsable d’un service de garde (RSG) en milieu familial depuis près de 25 ans, Carole Dion est inquiète, très inquiète pour l’avenir de sa profession. La présidente du Syndicat des éducatrices et éducateurs en milieu familial de Sainte-Marie — CSN est témoin d’une montée sans précédent de l’angoisse et du stress chez les RSG.

Carole Dion, présidente du Syndicat des éducatrices et éducateurs en milieu familial de Sainte-Marie — CSN.

« Juste dans notre syndicat, il y a une quinzaine de travailleuses qui n’ont pas rouvert ou qui ont carrément fermé pour toujours leur service de garde lors du déconfinement, c’est énorme », expose Carole Dion, « d’ici l’automne, ça va être l’hécatombe si on ne fait rien, le milieu va s’effondrer en raison des dépressions et des burnouts. Les filles sont tout simplement découragées. »

Un déconfinement épuisant

Les services de garde en milieu familial ont rouvert le 11 mai avec des ratios réduits à 50 %, soit de 3 à 4 enfants maximum selon la taille du service. « On a reçu un ensemble de règles sanitaires à respecter pour se protéger et protéger les enfants », explique Carole Dion, « c’est extrêmement lourd ».

Dès l’ouverture, les éducatrices doivent porter masques et gants. Lorsqu’il est impossible de garder une distance d’au moins 1 m avec un enfant, par exemple pour l’habillement, la visière est requise. Il est interdit de faire un câlin ou de serrer un enfant dans ses bras. Puisqu’il faut tout désinfecter en permanence, Carole Dion explique qu’elle a guenille, torchon et désinfectant à la main en tout temps.

« J’ai dû réaménager les locaux et vider la salle de jeu du trois quarts de son contenu –adieu peinture, pâte à modeler et casse-tête – et il y a un bac pour mettre les jouets en quarantaine dès qu’un enfant a fini de jouer avec », explique Mme Dion. Les enfants se doivent de respecter en tout temps la distance de 2 m entre eux. « La gestion de la distance ça va bien si c’est une même fratrie, mais dès qu’il y a plus d’une famille c’est l’enfer. »

Carole Dion précise que la journée de travail est loin de se terminer avec le départ des enfants. « Il faut tout, tout, tout désinfecter pour le lendemain », explique-t-elle. Un sondage auprès des membres du syndicat a révélé que les RSG mettaient en moyenne 1 h 30 à cette tâche. « Le surcroit de travail n’est bien sûr pas dédommagé, pas plus que les frais supplémentaires engagés pour acheter désinfectant et Purell », poursuit-elle.

Les RSG ne peuvent en faire plus

Pour l’heure, les ratios sont à 50 % de ce qu’ils étaient, mais le ministère a annoncé son intention de les faire passer à 75 % le 1er juin et à 100 % le 22 juin. « Les RSG sont découragées, juste l’organisation physique des milieux de garde a été un tour de force », explique Carole Dion, « mais c’est irréaliste de penser que l’on va pouvoir respecter les règles sanitaires si on augmente les ratios. » La présidente du syndicat donne en exemple les dîners. « En ce moment, je dois faire respecter les distances le midi alors il y a un siège vide entre chaque enfant, là ce sera impossible si le nombre d’enfants double ! »

Les responsables en service de garde sont stressées et angoissées par la situation. « On reçoit beaucoup d’appels de nos membres en ce moment, elles trouvent ça complètement irréaliste qu’on songe à leur en demander plus », explique Carole Dion, « je suis très inquiète pour l’avenir de la profession si on continue de presser le citron des éducatrices comme ça ». Pour la présidente du Syndicat des éducatrices et éducateurs en milieu familial de Sainte-Marie — CSN, c’est de plus en plus clair : dans l’immédiat il est impensable d’envisager des ratios plus élevés que 50 %.

« On fait le maximum pour protéger les enfants, mais c’est épuisant », conclut-elle, « on est inquiètes. Sans oublier qu’on ouvre nos maisons et on expose donc nos familles qui ont le droit, elles aussi, de se sentir en sécurité chez elles. Il y a des limites à ce qu’on nous exige. »

Rémunération des paramédics pendant les arrêts de travail en lien avec la COVID, la CTAQ fait bande à part

Rémunération des paramédics pendant les arrêts de travail en lien avec la COVID

La CTAQ fait bande à part

Québec, 14 mai 2020. – Alors qu’un arrêté ministériel prévoit que les travailleuses et les travailleurs reçoivent leur rémunération normale lors d’un arrêt de travail en lien avec la COVID, que ce soit pour un test de dépistage ou pour un retrait préventif dû à une condition médicale (ex. : personnes immunosupprimées), la Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec (CTAQ) a choisi de faire bande à part. La coopérative est en effet la seule compagnie ambulancière de la province à ne pas payer les paramédics qui doivent passer des tests COVID ou rester à la maison pour se protéger dans le cadre d’un retrait préventif, ce que déplore le syndicat.

Frédéric Maheux, président de l’Association des travailleurs du préhospitalier (ATPH–CSN),

« Actuellement, les paramédics de la CTAQ doivent prendre congé pour passer un test COVID », explique Frédéric Maheux, président de l’Association des travailleurs du préhospitalier (ATPH-CSN), « ça met tous les travailleurs en danger : au début de la pandémie, les paramédics ne prenaient pas de chance et appelaient la ligne COVID pour demander un test de dépistage dès qu’ils avaient le moindre symptôme, mais là, s’ils doivent piger dans leur banque de congés, ils vont attendre d’avoir des signes et des symptômes évidents. C’est clair que plusieurs paramédics vont être positifs avec peu de symptômes et vont contaminer les autres travailleurs de la compagnie, on joue avec le feu ».

Frédéric Maheux comprend mal le fait que la CTAQ soit la seule compagnie ambulancière dans la province à ne pas rémunérer ses paramédics lors d’un arrêt de travail lié à la COVID. Les autres compagnies se basent sur l’arrêté ministériel d’avril dernier, qui demande de payer les travailleurs à 100 % dans ces cas, pour demander des indemnités et assumer les frais en attendant de les recevoir. « Récemment, la CTAQ expliquait dans une vidéo qu’il est préférable de garder la compagnie en bonne santé financière plutôt que de payer les paramédics et espérer se faire rembourser plus tard », explique le président du syndicat, « comment une coopérative ayant pour but d’améliorer les conditions de travail de ses travailleurs peut-elle décider de prioriser des ristournes alors que nous sommes dans une situation exceptionnelle, ça me dépasse. Toutes les autres compagnies ambulancières, qu’elles soient privées ou étatisées, payent leurs travailleurs lorsqu’ils sont en arrêt de travail à cause de la COVID, même si ça veut dire faire moins d’argent à la fin de l’année. »

Selon le syndicat, la politique de la compagnie est irresponsable. « Nous savons que l’automne sera extrêmement chargé : influenza, gastro, augmentation des problèmes respiratoires pour les personnes âgées, COVID, etc. », explique Frédéric Maheux, « les paramédics auront besoin, à ce moment-là, de leurs congés personnels parce que nous sommes encore plus à risque durant cette période. Si un paramédic n’a plus aucun congé et qu’il attrape la gastro par exemple, il fait quoi ? Il vient travailler pareil et la donne à tout le monde ? »

« On voit ce qui se passe avec les CHSLD et le manque de personnel », poursuit Frédéric Maheux, « les soins aux personnes âgées sont déficients et le personnel est au bout du rouleau. Imaginez une compagnie d’ambulance qui commence à manquer de personnel à la suite d’arrêts pour maladie, dépression, etc. ? » Le président craint le retour des grands délais sur les interventions à cause du manque d’ambulance sur la route. « La compagnie devra trouver une solution temporaire avec des travailleurs qui ne sont pas prêts à travailler ou même qui sont très peu formés », craint-il, « Les paramédics sur le terrain, en plus d’avoir un stress plus élevé à cause du COVID et des mesures de protection additionnelle, devront surveiller leurs collègues et les aider dans leurs tâches au lieu de travailler en équipe. C’est un stress immense qui va s’ajouter au stress déjà extrêmement élevé de devoir travailler lors d’une pandémie ».

L’Association des travailleurs du préhospitalier (ATPH-CSN) demande que les paramédics de la CTAQ reçoivent leur rémunération normale lors d’un arrêt de travail en lien avec la COVID, que ce soit pour un test de dépistage ou pour un retrait préventif dû à une condition médicale (ex. : personnes immunosupprimées), comme tous les autres paramédics du Québec. « Avec la CSN, nous travaillons en prévention en santé et sécurité au travail », conclut Frédéric Maheux, « toutes les recherches et études démontrent clairement que de travailler en prévention plutôt qu’en réaction coûte beaucoup moins cher, il y a un travail qui a été très mal fait à la CTAQ, il faut corriger le tir. »