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Le PL-59 du point de vue des non-syndiqués

Il y a des différences majeures en matière de santé-sécurité au travail selon que l’on soit syndiqué ou pas. Roch Lafrance, de l’uttam, reviens sur quelques-unes d’entre elles.

Par exemple, la question du droit de retour au travail. « Il y a de nouvelles dispositions et des accommodements qui vont favoriser le retour au travail dans la foulée de l’arrêt Caron, une décision de la Cour suprême. C’est un gain pour tout le monde », explique Roch Lafrance, « mais il y a une difficulté particulière pour les personnes non syndiquées. La CNESST forcera les employeurs à reprendre les employé-es et coupera les indemnités immédiatement. Or, si l’employeur ne reprend pas la personne, celle-ci va devoir épuiser tous les recours ce qui prendra passablement de temps. Pendant ce délai, le travailleur sera sans revenu pour la durée qui pourrait s’étaler sur un an et plus.

« Autre différence : quand un dossier a été judiciarisé, qu’il y a eu de la chicane pendant un an, deux ans, trois ans, l’employé-e ne veut pas nécessairement revenir dans l’entreprise », dit le porte-parole de l’uttam, « c’est une différence majeure dans un milieu qui n’est pas syndiqué, si la CNESST force un employeur à reprendre une personne non désirée ça peut être l’enfer. » Pour Roch Lafrance, il devrait y avoir un droit de refus pour l’employé-e, « la personne ne devrait pas être obligée de retourner là pour se faire harceler et congédier au bout de six mois », suggère-t-il.

Au niveau de la prévention, il y a des problèmes majeurs dans les milieux non syndiqués. « Un comité de santé et un représentant à la prévention dans une entreprise non syndiquée, ça ne marche pas tellement », illustre Roch Lafrance, « il y a des pays qui ont pris ça en compte pour les petites entreprises non syndiquées avec des représentants en prévention itinérants qui sont indépendants et ne travaillent pas dans l’entreprise. » Selon l’uttam, il y a toute sorte de mécanismes comme ça qui ne sont pas prévus pour les non-syndiqués et qui devraient être adaptés. « Le gouvernement pourrait s’inspirer des associations sectorielles paritaires, où il y aurait des représentantes et représentants des non-syndiqués, et qui pourraient embaucher des salarié-es itinérants pour accompagner les gens et les conseiller en matière de santé-sécurité. » 


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe

Financement et judiciarisation dans l’angle mort

La judiciarisation et la bureaucratisation du régime, qui transforment l’indemnisation des personnes accidentées ou malades du travail en véritable parcours du combattant, sont dénoncées depuis des années. Pourtant, le projet de loi ne permet pas de corriger les abus les plus flagrants, au contraire, il en rajoute.

Non seulement le ministre maintient le Bureau d’évaluation médicale (BEM), fer de lance de la judiciarisation, mais écarte complètement les médecins de la santé publique des efforts de prévention et donne davantage de pouvoir aux médecins de la CNESST au détriment du médecin traitant.

Mathieu Charbonneau, chercheur à l’IRIS

Selon Mathieu Charbonneau, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), il y a un lien à faire entre le mode de financement du régime québécois de santé-sécurité au travail et la judiciarisation du système. « Au Québec, on a installé un régime où les volets réparation et prévention sont séparés, avec une mutualisation des risques en fonction des secteurs », explique-t-il, « or, à la fin des années 1980, on a commencé à personnaliser les taux selon l’expérience du milieu de travail. » « C’est comme une prime d’assurance établie en fonction de notre propre expérience de risque », explique Mathieu Charbonneau, « la justification de la CNESST c’est que c’est un incitatif pour les employeurs à investir en prévention, mais quand on regarde la littérature, il n’y a aucune étude qui fait un lien entre les deux. » 

Le Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) dénonce la judiciarisation du régime depuis fort longtemps. Le régime parallèle qui s’est dressé, en raison des politiques de la CNESST, fait vivre bon nombre de médecins de papier, avocats, conseillers, mutuelles et bien d’autres. Tous se nourrissent sur le dos des personnes victimes de l’insouciance de leur employeur. Voilà pourquoi le congrès du conseil central de 2019 a donc mandaté l’IRIS afin de faire une étude sur la question. 

Alors, quand l’IRIS s’est mis au travail et a mesuré les effets de ce système d’imputation, les chercheurs ont constaté qu’il y a une augmentation des contestations depuis l’instauration des taux personnalisés. « Ça a ramené une logique de confrontation entre employeur et employé au centre d’un système de ‘’no fault’’ », explique Mathieu Charbonneau, « le mode de financement a un impact sur la lourdeur, les délais et les coûts du régime québécois. »

« Il y a une tendance contraire en Ontario et en Colombie-Britannique où l’on observe plutôt une déjudiciarisation », précise Mathieu Charbonneau. Selon le chercheur, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Le Bureau d’évaluation médicale (BEM), par exemple, est une structure unique au Québec. « Ce n’est qu’ici que la commission peut faire une contestation de la position du médecin traitant », explique le chercheur, « c’est une source immense de judiciarisation. Il y a une série d’effets indésirables que la judiciarisation apporte, ce n’est pas que financier. Ça impose un énorme stress aux gens. » 

Afin de lutter contre la judiciarisation du régime, l’IRIS propose l’abolition du BEM et de la direction des révisions administratives, une réforme du système de contestation, la mise en place de services de conciliation au Tribunal administratif du travail (TAT) et, la création de bureaux de conseillers en matière de santé-sécurité au travail.

« On propose surtout une commission d’enquête sur le financement du régime », dit Mathieu Charbonneau, « le lien entre le financement personnalisé et prévention n’a jamais été fait, il faut amener la CNESST à faire un examen des mutuelles de prévention, de l’impact du financement. Ça fait trois décennies que c’est en place et on n’a jamais fait de bilan. » Pour le chercheur, il faut entendre les voix des gens qui vivent la judiciarisation, ce ne sont pas juste des statistiques. « Il n’y a pas d’autres moyens de faire l’examen et le bilan des conséquences du financement personnalisé, de la série d’effets pervers que les études statistiques ne peuvent pas mettre en lumière, que par une commission d’enquête », conclut-il. n

>> Pour en savoir plus : La judiciarisation du régime d’indemnisation des lésions professionnelles au Québec, Mathieu Charbonneau et Guillaume Hébert, IRIS, 2020


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe

Campagne contre le PL-59

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Juste avant la période des Fêtes, des membres de l’équipe du conseil central ont posé une bannière sur l’édifice du 155, boulevard Charest Est pour marquer le lancement de notre prochaine campagne.

Lancement d’une campagne contre le PL-59

Le dossier de la réforme en santé et sécurité au travail (PL59) sera notre priorité en 2021. Il s’agit d’un véritable rendez-vous manqué. La réforme proposée est pernicieuse et s’attaque à nos droits. Le conseil central lance donc une campagne contre le PL-59.

Matériel d’information (PDF)

Le conseil central a produit du matériel d’information pour les syndicats sur le PL-59. Vous pouvez en télécharger les versions électroniques ici : brochure format demi-lettre ; affiche format lettre ; affiche format 11×17 ; autocollants.

Pour en savoir plus sur le projet de loi et trouver d’autres outils de vulgarisation sur chacun des points abordés ici ainsi que des vidéos, visitez le site de campagne de la CSN à sstvraiment.org

Édition spéciale de 12 pages du journal Le Réflexe sur le projet de loi 59. Cliquez ici pour lire le PDF


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Réforme en santé et sécurité au travail

Un rendez-vous manqué

Pour le Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), le projet de loi 59 qui vise à réformer les lois en matière de santé et sécurité au travail constitue un rendez-vous manqué.

Le ministre avait l’occasion d’entamer un processus de déjudiciarisation du régime d’indemnisation des personnes accidentées ou malades du travail et il ne l’a pas fait. Pire, le projet de loi comporte son lot de reculs et peu de gains significatifs.


Des reculs pour les groupes prioritaires

Les groupes prioritaires 1, 2 et 3 de l’ancien régime perdent des acquis historiques avec le PL59. Le ministre affaiblit l’efficacité des mécanismes de prévention en réduisant drastiquement les heures de libération syndicale du représentant à la prévention, pouvant aller jusqu’à 85 %, tout en accordant plus de pouvoirs aux médecins des employeurs et une bureaucratisation accrue dans les entreprises avec pour effet d’évincer à toute fin pratique les syndicats du terrain de la prévention.

Le projet de loi 59 est, à terme, une menace à la paix sociale. En effet, en légiférant bien en deçà de ce qui est prévu dans la majorité des conventions collectives en matière de santé-sécurité au travail, le ministre remet à l’ordre du jour les affrontements qui ont marqué notre histoire collective sur cet enjeu.


Une ouverture insuffisante pour les nouveau secteurs

Le projet de loi semble répondre à l’une de nos revendications historiques en étendant les mécanismes de prévention à l’ensemble des milieux de travail, mais cela se fait au prix d’un nivelage par le bas qui fait en sorte d’étendre à plus de gens des mécanismes de prévention moins efficaces et moins contraignants que ceux qui existent aujourd’hui dans les quelques milieux de travail couverts par la loi.

La classification des milieux de travail en fonction du niveau de risque a pour effet de pénaliser les milieux qui s’étaient organisés et avaient les meilleures pratiques en prévention. Plusieurs aberrations demeurent dans la classification proposée, par exemple d’avoir classé le milieu de la santé comme un secteur à risque « faible ». Les heures de libération prévues sont nettement insuffisantes.


Des changements qui affectent particulièrement les femmes

Les milieux de travail où se retrouvent le plus de travailleuses sont également les secteurs aux risques considérés comme « faibles » et auront accès à des mécanismes insuffisants pour être efficaces.

Les dispositions sur la violence conjugale sont vagues et ne prévoient pas de mécanismes précis laissant croire à un vœu pieux.

Le maintien du retrait préventif de la travailleuse enceinte s’accompagne de la création d’un protocole uniforme élaboré par le Directeur de la santé publique qui risque de rendre plus difficile la reconnaissance des dangers non prévus.


Des reculs pour économiser sur le dos des victimes

Le projet de loi prévoit des compressions d’indemnités de remplacement de revenus versées aux victimes d’accident du travail ainsi qu’une augmentation du niveau de difficulté lors de la réclamation pour les victimes de maladies professionnelles.

Le ministre chiffre même les économies cumulatives que permettront de faire son projet de loi : jusqu’à 4,3 milliards de dollars sur dix ans tout en annonçant une baisse du taux de cotisation pour les employeurs.


Un oubli majeur : l’épuisement professionnel

Le ministre promettait une mise à jour de l’annexe sur les maladies professionnelles présumées reconnues pour, notamment, inclure les maladies à caractère psychologique dans la loi. L’ouverture est extrêmement timide sur le stress post-traumatique et limitée à des situations et des groupes très précis.

Pire, il n’est nulle part mention de l’épuisement professionnel ou du stress chronique induit par une surcharge de travail alors qu’il s’agit d’une véritable fléau dans les milieux de travail.


Rien pour déjudiciariser

Nous dénonçons depuis de nombreuses années une judiciarisation et une bureaucratisation qui transforment l’indemnisation des personnes accidentées ou malades du travail en véritable parcours du combattant. Le projet de loi ne permet pas de corriger les abus les plus flagrants, au contraire. Non seulement le ministre maintient le Bureau d’évaluation médicale (BEM), fer de lance de la judiciarisation, mais écarte complètement les médecins de la santé publique des efforts de prévention et donne davantage de pouvoir aux médecins de la CNESST au détriment du médecin traitant.

Construction du Diefenbaker : il est temps de passer de la parole aux actes

Lieu historique du Chantier maritime A.C. Davie, Lévis, Québec. Crédit : Cephas (wikicommons)
Construction du Diefenbaker

Il est temps de passer de la parole aux actes

Québec, 18 décembre 2020. – Il est temps de passer de la parole aux actes dans le dossier de la construction du brise-glace polaire Diefenbaker croient les trois syndicats du Chantier Davie ainsi que le Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN). À quelques jours du congé des fêtes, ils pressent le gouvernement fédéral d’octroyer le contrat une bonne fois pour toutes au Chantier Davie.

« Tout ce qui traine se salit et c’est visiblement le cas du contrat de construction du Diefenbaker », affirme Ann Gingras, présidente du conseil central, « on nous avait dit en février dernier que ce n’était qu’une question de quelques semaines et, 10 mois plus tard, l’annonce n’est toujours pas faite. »

La présidente du conseil central déplore que l’octroi du contrat fasse dorénavant l’objet de tractations politiques. « Seaspan n’a pas plus la capacité aujourd’hui de construire ce navire qu’il y a un an quand il l’a perdu », déclare Ann Gingras. « C’est dans l’intérêt de tout le monde, tant les travailleurs et les travailleuses que les contribuables et l’économie régionale, de couper court aux tergiversations et de procéder. Il me semble qu’on a assez gaspillé de fonds publics comme ça. »

Malgré toutes les annonces depuis l’arrivée en poste des libéraux, la construction de navires n’est toujours pas recommencée au Chantier Davie. « Jusqu’à maintenant, tout ce qu’on a ce sont des contrats d’entretien et de réparation, aucune construction, le chantier vivote et les travailleurs et les travailleuses n’ont toujours pas l’ouvrage qui leur a été promis », rappelle Herman Labrecque, président du Syndicat des travailleurs du chantier naval de Lauzon inc., « tout ce que l’on demande c’est d’être traité comme les autres chantiers maritimes du pays afin d’obtenir notre part des contrats. »

De son côté, Joey Gingras, vice-président du Syndicat des employés du corps de sécurité de Davie, souhaite pour 2021 « de la sécurité d’emploi pour tous les travailleurs du chantier. Nous avons été assez patients. » « Sans le contrat du Diefenbaker, nous roulons à effectif réduit, c’est intenable », soutient Jonathan Daraîche, président du Syndicat des employés de bureau du chantier naval de Lévis – CSN, « on veut du concret, que les annonces aboutissent et se traduisent en travail. » Pour sa part, David Laroche, du même syndicat, déplore la lenteur administrative pour la poursuite du contrat des trois brise-glaces intermédiaires. « Nous avons fait un excellent travail pour la conversion du CCGS Jean Goodwill, qui a été livré dans les échéanciers et dans le budget. Malgré cette réussite, les conversions complètes des deux autres Navires, le CCGS Captain Molly Kool et le CCGS Vincent Massey, tardent à démarrer. Pourtant elles avaient été annoncées par le premier ministre Trudeau en 2018. »

Tous s’entendent que si le gouvernement Trudeau ne donne pas un coup de barre immédiatement, l’année 2021 ressemblera en tous points aux années précédentes pour le chantier naval Davie.

CIUSSS de la Capitale-Nationale | Rassemblement en appui au comité de négociation

CIUSSS de la Capitale-Nationale

Rassemblement en appui au comité de négociation

Québec, 14 décembre 2020. – Un convoi automobile organisé par le Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS de la Capitale-Nationale-CSN s’est rendu aujourd’hui au siège administratif du CIUSSS (Mont d’Youville) en fin d’avant-midi. La manifestation se veut un geste d’appui des syndiqué-es à leur comité de négociation.

Richard Boissinot, président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS de la Capitale-Nationale-CSN

« Ça fait plus d’un an que l’on dit au gouvernement qu’on veut une vraie négociation et qu’il y a urgence d’agir parce que le réseau est en crise depuis bien avant la pandémie », a déclaré Richard Boissinot, président du syndicat. « Il n’y pas 36 000 façons de faire pour que la crise se résorbe : il faut absolument régler, une fois pour toutes, les problèmes de pénuries de main-d’œuvre. »

Selon le syndicaliste, pour réussir à attirer du monde pour travailler dans le réseau de la santé, et, pour que celles et ceux qui y sont déjà ne partent pas, ça prend plus que des mercis en conférence de presse. « Ça prend un vrai coup de barre avec des investissements à la hauteur des besoins sur le terrain », soutient Richard Boissinot, « il faut améliorer les conditions de travail en s’attaquant sérieusement à la surcharge de travail qui est devenue insoutenable. Et ça prend de meilleurs salaires, des augmentations significatives, particulièrement pour celles et ceux qui gagnent le moins, c’est ce que l’on souhaite pour 2021. »

« Nous interpellons aujourd’hui M. Michel Delamarre, le PDG de l’un, sinon du plus gros CIUSSS de la province, pour qu’il utilise son pouvoir d’influence auprès du gouvernement et que tous ses employé-es puissent enfin avoir de bonnes conditions de travail et de bons salaires », conclut Richard Boissinot, « ça permettrait non seulement d’améliorer le sort des travailleuses et des travailleurs, mais aussi les services donnés à la population. »