Le ministre du Travail, Jean Boulet, n’avait prévu que trois petits jours pour la commission parlementaire chargée de se pencher sur la réforme du régime québécois de santé-sécurité au travail. Celle-ci s’est tenue en visioconférence, du 19 au 21 janvier. Devant les critiques, le ministre a bien dû se rendre à l’évidence : ajouter une journée et inviter quelques groupes et experts qui avaient été mis de côté. L’exercice est à l’image du projet de loi 59 : bâclé et fait à la course.

La réforme proposée est d’envergure : le projet de loi 59 fait plus de 120 pages et modifie plusieurs articles se rapportant à deux lois différentes et se référant à plusieurs règlements. Il aura un impact majeur sur la santé et la sécurité au travail des travailleuses et des travailleurs. 

Historiquement, les deux lois qui composent l’essentiel du régime québécois de santé-sécurité du travail, l’une portant sur la prévention, l’autre sur la réparation des lésions, ont été instituées, et donc étudiées une après l’autre de façon séparée. Le projet de loi 59 vise à les réformer ensemble : une première, ce qui multiplie et complexifie beaucoup les enjeux tout en permettant aux modifications apportées à une loi de se nourrir de l’autre.

Malgré cela, le ministre a choisi d’aller vite, plutôt que de prendre le temps de bien faire les choses. Les délais imposés furent extrêmement serrés, à peine trois mois (en incluant les Fêtes) entre le dépôt du projet de loi et le début de la commission parlementaire. Le tout durant une période, rappelons-le, où les rassemblements de plus de 25 personnes sont interdits.

Jean Boulet a choisi les groupes et les experts qu’il voulait entendre en commission parlementaire, écartant dans un premier temps certains experts reconnus, mais critiques, ainsi que les groupes communautaires œuvrant auprès des victimes d’accidents de travail ou de maladie professionnelle (l’uttam fut finalement invitée à la dernière minute). Malgré cela, le temps imparti aux intervenants pour faire valoir leur point, 10 minutes, était extrêmement court.

Tout cela a fait dire à la présidente du conseil central, Ann Gingras, que les conditions pour un débat public, serein et démocratique n’étaient pas réunies dans une lettre ouverte publiée quelques jours avant le début de la commission parlementaire. 


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe