Des reculs pour économiser sur le dos des victimes

Le projet de loi prévoit des compressions d’indemnités de remplacement de revenus versées aux victimes d’accident du travail ainsi qu’une augmentation du niveau de difficulté lors de la réclamation pour les victimes de maladies professionnelles. 

Pour Roch Lafrance, porte-parole de l’Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (uttam), « dans le cas de la réparation des lésions c’est le plus grand recul depuis 1985, c’est objectif et très clair. » Le ministre chiffre même les économies cumulatives que permettront de faire son projet de loi : jusqu’à 4,3 milliards de dollars sur dix ans tout en annonçant une baisse du taux de cotisation pour certains employeurs.

Roch Lafrance, de l’uttam
Photo : Archives CCQCA / Clément Allard

« Il y a plusieurs reculs pour les personnes accidentées, mais s’il faut y aller par priorité : sortir la liste des maladies professionnelles de la loi pour en faire un règlement que la CNESST pourrait modifier, cela constitue un recul majeur, » explique Roch Lafrance, « ce que l’on voit c’est qu’il n’y a pas d’ajouts majeurs dans le projet de règlement (les ajouts sont des maladies déjà reconnues par des décisions rendues par les tribunaux), mais on profite de l’occasion pour donner à la CNESST un nouveau pouvoir réglementaire pour enlever des maladies de la liste et définir des critères qui lui permettront de limiter la reconnaissance, ça, c’est un recul majeur. »

« Les deux principales lésions professionnelles sur lesquelles on ajoute des critères très sévères pour restreindre, sont la surdité et les troubles musculo-squelettiques », ajoute Roch Lafrance, « et comme par hasard, ce sont les deux types de maladies les plus courantes, donc on veut clairement réduire l’accessibilité. » Le porte-parole souligne que le taux de refus à la CNESST est actuellement de 50 %, ce qui ne pourra qu’augmenter en resserrant les critères de la sorte.

Autre grand recul pour l’uttam, toute la transformation de la réadaptation. « On abolit la réadaptation physique », explique Roch Lafrance, « une fois que la lésion est consolidée, ils coupent le droit à l’assistance médicale ce qui va pousser les gens qui ont besoin de suivi dans le réseau public (ou dans le privé), mais ce ne sera plus la CNESST qui assumera la facture. » Autre enjeu : actuellement, la réadaptation physique, sociale et professionnelle commence une fois que la lésion est consolidée, mais le PL-59 change tout. « La réadaptation pourra commencer avant la consolidation et permettre un retour progressif au travail (alors que le principe actuel c’est que tant que ta lésion n’est pas consolidée tu as droit aux prestations et tu peux ne pas travailler sauf assignation temporaire et ce n’est pas contestable) », explique Roch Lafrance, « dorénavant, la CNESST pourrait obliger quelqu’un à retourner travailler alors même que son médecin refuse et, si le travailleur refuse, la CNESST pourrait couper les indemnités. On enlève au travailleur tout droit de contestation. » Pour Roch Lafrance, on est en train de détourner le sens de la loi. « C’est un recul très très important pour les travailleurs, c’est grossier », dénonce-t-il.

Plusieurs autres reculs sont prévus au projet de loi qui ont tous pour effet de réduire l’accessibilité aux prestations, d’appauvrir les gens et de rendre la vie plus difficile aux victimes d’accidents de travail ou de maladies professionnelles un peu sur le modèle de ce qui est arrivé avec l’assurance-emploi. « La modernité c’est de couper partout ? C’est ça la modernisation ? », se demande Roch Lafrance en conclusion.


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe