De la poudre aux yeux pour le secteur public

Le ministre du Travail vend sa réforme du régime québécois de santé-sécurité du travail en la présentant comme un gain pour 85 % des travailleuses et des travailleurs qui n’étaient pas couverts jusqu’à maintenant par les mécanismes de prévention prévus par la loi. Un gain bien théorique pour les gens sur le terrain, notamment dans le secteur public.

« Je ne suis pas capable, actuellement, de dire que je vois des avantages dans le projet de loi », nous dit Christian Lecompte, vice-président santé-sécurité du Syndicat des professionnèles, techniciennes et techniciens de la santé et des services sociaux (SPTSSS-CSN), « on dit souvent ‘’un pas en avant, deux pas en arrière’’, mais je ne le vois pas le pas en avant, peut-être que c’est moi qui comprends mal le projet de loi, mais ce qui me frappe surtout ce sont les nombreux reculs. »

Pierre Émond, du CHU de Québec

Pierre Émond, président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CHU de Québec (STTCHU-CSN), est encore plus catégorique : « C’est épouvantable, ce projet-là c’est juste pour sauver de l’argent sur le dos des travailleurs et des travailleuses. Nous on va gagner entre 30 minutes et 4 h de libération par mois parce qu’on est un secteur à risque faible, c’est à peu près le temps de la réunion du comité paritaire SST ça ! »

« La loi n’a pas été ouverte depuis 40 ans, je me serais attendu à ce qu’il y ait une reconnaissance des risques liés à notre secteur, mais non », déplore Christian Lecompte. « C’est complètement ridicule de dire que le réseau de la santé est à risque faible », poursuit Pierre Émond, « il y en a de la violence, il y en a des blessures, c’est juste que le monde se font écœurer et préfèrent se mettre sur l’assurance-salaire s’ils se blessent ce qui les sort des statistiques de la CNESST. »

Les collègues du secteur du soutien scolaire font le même constat sur la violence comme en témoignait Isabelle Larouche, présidente du Syndicat du personnel de soutien scolaire des Découveurs (CSN), dans une récente vidéo sur le site sstvraiment.org : « La réforme offre certaines avancées, mais ce n’est vraiment pas suffisant, on pourrait même dire que ce sont des miettes. Dans nos écoles, par exemple, si je regarde pour le personnel de soutien qui va travailler auprès d’élèves, il y a des gens qui reçoivent des coups, des morsures, des blessures, qui partent pour commotions cérébrales pour des semaines et mêmes des mois, comment se fait-il qu’on soit encore à risque faible, qu’est-ce qu’il faut pour être considéré à risque modéré ou encore élevé? »

Les changements législatifs ne viendront pas épauler les syndicats du secteur public quand viendra le temps de porter des revendications en matière de prévention. « On va essayer de faire de quoi avec ça, mais on ne sait pas comment l’employeur va le prendre ici », explique Pierre Émond, « on pousse pour récupérer un représentant des travailleurs et des travailleuses comme on avait avant, une personne libérée pour accompagner les gens et s’occuper de SST, mais pour l’instant c’est sur la glace. » Même chose au CIUSSS de la Capitale-Nationale où tout le travail d’harmonisation et de structuration des divers comités de prévention et de santé-sécurité issus des anciennes structures des composantes fusionnées est aussi sur la glace à cause de la pandémie.

Tout indique qu’une fois de plus, les syndicats du secteur public devront s’en remettre à la bonne volonté de l’employeur (sic) et à l’état de leur rapport de force local pour faire des avancées en matière de santé-sécurité au travail. Des luttes additionnelles sont donc à prévoir advenant le cas où le ministre ne corrige pas le tir. 


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe