Line Allard, présidente du syndicat, avec un groupe de travailleurs guatémaltèques de retour au Couvoir Scott après une pause de six mois.

Au Couvoir Scott, on y va un agenda à la fois

La demande était intrigante… « Le syndicat du couvoir Scott veut 20 copies de l’agenda du conseil central ». Au départ, on a cru à une erreur. Mais non, c’est au téléphone que la présidente du syndicat nous explique : des travailleurs temporaires ont été intégrés aux équipes depuis peu. « On veut leur distribuer l’agenda du conseil central pour qu’ils marquent leurs heures et qu’on vérifie avec eux que tout est correct sur leur paie ». Il n’en fallait pas plus pour piquer notre curiosité.

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information 


Couvoir Scott

Le Couvoir Scott est constitué d’un réseau de fermes et d’un couvoir syndiqué depuis près de 35 ans. Pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre, l’employeur a commencé à faire affaire avec un programme fédéral permettant l’embauche de travailleurs étrangers. Les travailleurs viennent du Guatemala et se relaient pour des périodes de six mois, ils sont logés dans une maison de la compagnie.

« Il y a une vingtaine de travailleurs temporaires au total », nous explique Line Allard, présidente du Syndicat des travailleuses et des travailleurs de Couvoir Scott (CSN), « ça va faire un an à la fin novembre que c’est commencé, le premier groupe vient de revenir ». 

La barrière de la langue

« Les patrons ont eu des cours d’espagnol, mais pas les syndiqué-es », explique Line Allard, « pour se comprendre il fallait prendre internet, ça a été difficile au début ». Tous les documents sur les sites ont été traduits par l’employeur et sont maintenant affichés dans les deux langues. Un programme de francisation, à raison de 2 h par semaine, a été mis en place. « Plusieurs sont devenus assez bons en français pour se débrouiller et pour qu’on arrive à se comprendre », explique la présidente.

Un encadrement à inventer

L’intégration n’est pas toujours évidente, mais se passe bien. Un des enjeux qui aurait pu être un point de friction c’est que le programme fédéral grâce auquel les travailleurs étrangers sont embauchés qui garanti 40 h par semaine.

La question des salaires va aussi éventuellement poser problème. « Actuellement, les travailleurs étrangers sont payés selon l’échelon de la convention collective, comme les nouveaux », explique Line Allard, « il faudra voir comment va s’appliquer l’ancienneté à l’avenir ». En fait, il y a toute une série d’enjeux qu’il faudra réfléchir syndicalement. « On s’en va en négociation bientôt, il va falloir se questionner sur les points que l’on veut amener par rapport aux immigrants et il va falloir conventionner ça », explique la syndicaliste.

Défis syndicaux 

« En 2020, ça va faire 35 ans que nous sommes syndiqués », dit Line Allard, « lorsqu’on a été racheté en 1989, il y a eu des années de frictions et une bataille pour garder le syndicat ». Avec le vieillissement des membres, un des enjeux qui pourrait se poser à terme, c’est la disparition des syndiqué-es et leur remplacement par des travailleurs temporaires. « Actuellement, ils représentent environ 8 % des membres, mais si on n’encadre rien, ça peut changer », croit la présidente.

Les travailleurs guatémaltèques ne sont pas nécessairement réfractaires au syndicat. « Il y en a qui ne viennent pas de nulle part, on leur parle du syndicat et on voit bien qu’ils connaissent ça et comprennent très bien de quoi il s’agit », explique Line Allard, « mais comme ils n’ont pas de postes et pas de résidence permanente, leur position est très précaire ».

Ce qui nous ramène aux agendas du conseil central. « Les travailleurs guatémaltèques sont appelés à travailler sur plusieurs fermes à des heures variables, ils ont, à l’occasion, des erreurs sur leurs paies », explique Line Allard, « c’est pour ça qu’on leur distribue l’agenda ». Ce qui n’est pas fou : la meilleure façon d’intégrer des nouveaux membres, qu’ils viennent de la Beauce ou du Guatemala, reste encore de les accueillir correctement et de les aider à défendre leurs droits.


Extrait du numéro de décembre 2019 du journal Le Réflexe