Un automne qui s’annonce chaud

Après avoir passé l’été à « réfléchir à la grève », les travailleuses syndiquées des CPE affiliés à la CSN sont invitées à se prononcer dans une série d’assemblées générales qui se tiendront à la rentrée. Elles seront invitées à se prononcer sur un mandat de grève de six jours à exercer au moment jugé opportun. Louise Labrie, présidente du Syndicat des travailleuses et travailleurs des centres de la petite enfance de Québec Chaudière-Appalaches (CSN), est catégorique: « nous sommes allées au bout de ce qu’on était capable de faire sans moyens de pression ».

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information

Une longue négociation

Louise Labrie, présidente du Syndicat des travailleuses et travailleurs des centres de la petite-enfance de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) et représentante du secteur des CPE à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS), prenait la parole lors d’une récente manifestation des syndicats CSN des CPE.

Les conventions collectives des travailleuses des CPE sont échues depuis le 31 mars 2015. La négociation est bien entamée, une trentaine de rencontres ont eu lieu, mais elle piétine actuellement. Si presque tout le « normatif » est réglé, ça bloque sur tout ce qui est monétaire et sur quelques enjeux chers aux travailleuses.

« Nous sommes parties en négociation avec cinq priorités, mais les coupures et la réforme nous ont amené d’autres enjeux où l’employeur est en demande », explique Louise Labrie, qui est également représentante du secteur des CPE à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS). « Ce qui est problématique, c’est qu’il reste trop de choses monétaires sur la table, confie Mme Labrie. Il y a eu peu de débats sur les points qui achoppent parce que c’est dur d’avoir un moyen terme, on arrive vite au bout des discussions, ce sont des points où c’est oui ou c’est non, il n’y a pas de juste milieu ».


Quelques enjeux

Il reste plusieurs enjeux à régler qui sont chers aux travailleuses, notamment les salaires, la retraite, l’assurance, les vacances, les ratios, ainsi que la place des travailleuses au conseil d’administration et assemblées du CPE.

Sur le plan monétaire, les travailleuses revendiquent les mêmes augmentations de salaire que ce qui a été négocié dans le secteur public. Ça bloque parce que la partie patronale ne veut rien savoir de la relativité salariale et offre des forfaitaires moins généreux (parce qu’ils sont basés sur les salaires des travailleuses des CPE, qui sont globalement moins élevés que ceux du secteur public). En ce qui concerne le plan des retraites, c’est l’employeur qui est en demande et qui voudrait la faire passer à 61 ans et introduire une série de barrières à l’entrée sur une base essentiellement idéologique. Du côté des assurances, depuis que l’employeur s’est retiré de celles-ci, les coûts ont augmenté et les travailleuses demandent que le ministère compense pour le retrait de l’employeur. Cela permettrait d’améliorer le régime et d’en diminuer les coûts pour les syndiquées.

En ce qui concerne l’organisation du travail, après avoir normalisé les vacances et les congés lors de la dernière négociation, les syndicats demandent maintenant que les travailleuses qui changent de CPE puissent garder leur banque de vacances, comme ça se fait dans le secteur public. En ce qui concerne les ratios, les syndicats demandent tout simplement que le ministère respecte sa propre réglementation. En effet, depuis les coupures, la mode est à calculer les ratios enfants/éducatrices au niveau de l’installation et non des groupes. Ainsi, les travailleuses en pause et celles affectées à d’autres tâches comptent maintenant dans les ratios, ce qui n’a pas de bon sens.

Finalement, l’enjeu majeur : les syndicats demandent d’ajouter une clause dans les conventions collectives pour garantir la place des travailleuses dans les conseils d’administration et les assemblées des CPE. En effet, certaines associations patronales voudraient revenir sur cet acquis historique. Louise Labrie explique : « parfois les directions ne réussissent pas à faire passer certaines choses en conseil d’administration et elles veulent pouvoir se reprendre quand ce dernier se renouvelle, or les travailleuses sont porteuses de l’histoire… ».


La mobilisation est enclenchée

Le secteur des CPE expérimente, pour la première fois, un modèle d’information axé sur le web plutôt que le papier.

« Ça se passe très bien, la fréquentation de la page Facebook est assez intense, on a vraiment vu la différence à la fin du mois de mai et au début du mois de juin avec le blitz de négociation de 5 jours », raconte Louise Labrie, « pour informer les membres pendant le blitz on a pris l’habitude de faire une vidéo quotidienne sur les sujets du jour à la table. Nous avons vu qu’il y avait de l’appétit pour ça : certaines vidéos ont eu jusqu’à 85 000 vues, c’est impressionnant, ça veut dire que ça circule ».

Pour l’instant, à part des opérations de visibilité, il n’y a pour ainsi dire pas eu de moyens de pression dans les CPE, mais ça pourrait changer bientôt. Chacun des 37 syndicats du secteur est reparti en juin avec le mandat de consulter ses membres sur un mandat de grève de six jours. Une tournée d’assemblée est en cours jusqu’au 24 septembre, celle de la région aura lieu le 16 septembre. Comme il y a toute sorte de syndicats dans le réseau, des syndicats locaux représentant les travailleuses d’un seul CPE et des syndicats régionaux comme celui de Québec–Chaudière-Appalaches qui en représente 1 500 dans 58 CPE, l’obtention du mandat de grève repose sur un quorum combiné. C’est-à-dire que 50 % des syndicats représentant ensemble plus de 50 % des membres doivent l’obtenir. « Dans notre cas, on parle en fait de 58 mandats de grève dans 58 accréditations différentes, c’est une grosse opération », explique Louise Labrie qui précise qu’une fois le mandat obtenu, des votes de ralliement seront demandés.


Appel à la solidarité

« Jusqu’à maintenant, la majorité des points qui ont été réglés l’ont été au statu quo, il n’y a rien de flamboyant, confie la syndicaliste. On doit se mobiliser pour faire des gains, on a fait des concessions importantes dans la dernière ronde de négociation ».

Si, comme toujours, le rapport de force est essentiellement entre les mains des travailleuses des CPE, la syndicaliste n’hésite pas à faire appel à la solidarité des autres syndicats du conseil central. « C’est sûr qu’on demande tout l’appui possible de nos collègues syndiqués, quand on va entrer en mobilisation on va avoir besoin d’eux, tous les petits gestes vont compter », conclut la militante.


Extrait du numéro de septembre 2017 du journal Le Réflexe