Lettre à Marie

Par Emilia Castro, 2e vice-présidente

Québec, septembre 2017

Mon amie,

Des militantes de la Coalition régionale de la Marche mondiale des femmes (CRMMF) le 3 juin après une action symbolique, solidaire et internationale sous le thème « Paix et migration » dans le cadre des 24 h d’actions féministes.
Photo : Nicolas Lefebvre Legault.

C’est la première fois que les mots sont difficiles à trouver. Je me trouve devant une feuille blanche et ce n’est pas par manque d’inspiration, mais bien parce que la situation actuelle est difficile un peu partout dans le monde. Le Québec et notre ville n’échappent pas à cette réalité qui est parfois dure, mais où il y a heureusement toujours des rayons d’espoir qui viennent nous donner ce petit coup de pouce qui nous aide à continuer d’avancer.

Il y a une vague froide de droite qui frappe le monde, où l’intolérance, la terreur et la peur de l’autre sont présentes. Les discours des leaders de ce monde n’arrangent pas les choses. Au lieu de se questionner sur les failles du système actuel, où le pouvoir économique et politique sont détenus par une minorité, il est plus facile de menacer de construire des murs, pas seulement physiques, mais également idéologiques.

Il me semble que nous avions appris de notre histoire passée que le respect des droits de l’homme est essentiel, que les espaces démocratiques doivent servir à dialoguer pour mieux se comprendre et pour mieux saisir nos différences qui enrichissent notre monde. Or, pour les grands de ce monde, la course au profit est la seule chose qui compte.

Heureusement, il y a des avancées dans les luttes que nous menons, comme celle au Chili, où après 28 ans d’interdiction et deux ans et demi d’intenses débats, une loi a été votée, et une fois promulguée par la présidente, Michelle Bachelet, l’avortement sera possible dans trois cas précis : pour les femmes dont la vie est en danger, pour les victimes de viols et pour les femmes dont le fœtus est jugé non viable. Cette situation correspond à 3 % des cas d’avortement au Chili.

La Corporation pour les droits sexuels et reproductifs (Miles) a qualifié cette décision d’historique, car elle « marque un avant et un après pour les femmes chiliennes ». En effet, il est important de signaler que cette loi constitue le premier pas pour l’obtention de l’avortement libre, sécuritaire, gratuit et légal !

Une victoire pour le droit des femmes en Jordanie : les violeurs ne pourront plus épouser leurs victimes. Le parlement jordanien a aboli l’article 308 du Code pénal stipulant que « si un mariage valide est conclu entre [un violeur] et sa victime, les charges seront abandonnées, et l’exécution de toute sentence rendue contre le violeur sera suspendue ». Entre 2010 et 2013, 159 violeurs avaient profité de cette loi ancestrale. Pour Salma Nims, membre de la commission nationale jordanienne pour les femmes : « c’est une victoire pour le droit des femmes ».

Ma chère amie, notre correspondance se trouvant à l’intérieur du journal du CCQCA prendra fin. J’ai décidé de prendre ma retraite au mois d’octobre.

Que dire de toutes ces années passées à militer dans mon syndicat des CPE, dans ma fédération et surtout au conseil central ; des années de bonheur, des manifestations et des actions qui m’ont permis de continuer mon implication syndicale et féministe commencée dans mon pays d’origine, le Chili. J’ai rencontré des femmes et des hommes extraordinaires. Je retrouverai ces personnes dans des lieux de résistance et de lutte. Tous seront, à jamais, gravés dans mon cœur.

Tendresses,

Emilia


Extrait du numéro de septembre 2017 du journal Le Réflexe