Visuel de la ronde de négociations  2021 dans les CPE.
Centre de la petite enfance

Une négo sur fond de crise

La ronde de négociation qui s’amorce dans les Centres de la petite enfance (CPE) pourrait bien s’avérer déterminante pour l’avenir du réseau. En effet, la pénurie de main-d’œuvre fait des ravages au point où il n’est plus exagéré de dire que le réseau est en crise. Nous avons rencontré Mélanie Pelletier, la nouvelle présidente du Syndicat des travailleuses et des travailleurs des CPE de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) pour en savoir plus.

Pénurie de travailleuses

Mélanie Pelletier est formelle, la pandémie est venue exacerber une pénurie de main-d’œuvre déjà présente dans les CPE, ça ne l’a pas créé. « Ça fait plusieurs années qu’on le sait qu’on s’en va vers une crise parce que l’on voit qu’il y a une baisse d’inscription dans les techniques en éducation à l’enfance, on a même un comité de rétention de la main-d’œuvre depuis 3 ans pour trouver des solutions à la baisse d’étudiantes, » explique-t-elle.

La pénurie de main-d’œuvre est telle que le ministère de la Famille a profité de la pandémie pour changer les ratios d’éducatrices dans les installations. Auparavant, il devait y avoir deux éducatrices formées pour une non-formée dans les CPE, or, le ratio a été inversé l’an dernier. « Sauf que là on vient de nous dire que le retour à la normale serait plus long que prévu, ça va se faire sur 2 ou 3 ans, » explique Mélanie Pelletier, « en plus, le ministère est à revoir à la baisse les critères pour être considérée ‘’formée’’ parce que même une sur trois c’est difficile à maintenir. » Ce genre de solution amène souvent un surcroît de travail pour les travailleuses les plus expérimentées qui se retrouvent à devoir former les nouvelles (en plus d’être fondamentalement dévalorisant).

La pénurie de personnel exerce une grande pression sur les travailleuses en poste. « Il y a beaucoup de pression pour allonger les horaires, pour forcer les travailleuses à donner une cinquième journée, de la pression aussi pour faire revenir sur le plancher les travailleuses qui sont rendues dans les bureaux à faire de l’administration, » raconte Mélanie Pelletier. « Plusieurs employeurs ont informé les employées que l’on se dirigeait vers des bris de services, il n’y en a pas eu encore dans la région mais c’est une menace récurrente. »

« Cette année on a beaucoup de travailleuses qui n’ont pas pu prendre tous les congés auxquels elles avaient droit, » explique Mélanie Pelletier, « dans la plupart des CPE, les congés ont été monnayés cette année parce que les gens n’ont pas pu les prendre. » Cette  situation est récurrente mais cette année est pire. « On a eu beaucoup d’appels à cause de ça, ce ne sont plus juste les congés personnels qui sont refusés mais aussi les vacances. On a plusieurs membres qui n’ont pas pu prendre toutes leurs vacances cette année. » 

« Ça fait longtemps que les gens sont tannés mais là on est rendus à un point tournant, » raconte Mélanie Pelletier, « il va falloir qu’il se passe de quoi, les listes de rappel sont vides partout, il y a même des postes qui sont affichés et qui ne sont pas comblés alors qu’avant, tu pouvais être occasionnelle 2 ou 3 ans avant d’avoir un poste. »

Revaloriser la profession

Pour les syndicats, la négociation qui s’amorce devrait être l’occasion de revaloriser la profession afin de retenir les employées en place et attirer de nouvelles travailleuses pour ainsi contrer la pénurie de main-d’œuvre. Au niveau national, où se négocient les clauses monétaires, la CSN mise surtout sur les salaires pour attirer de nouvelles travailleuses. « Actuellement, la technique d’éducation à l’enfance est l’une des moins bien payée, » révèle Mélanie Pelletier, « on demande d’obtenir au moins l’équivalent du salaire que commande une technique en loisir, c’est notre point de comparaison. »

Au niveau régional, on mise sur des clauses normatives pour augmenter la reconnaissance des travailleuses en place. « On travaille sur la reconnaissance des travailleuses qui sont là, sur leur autonomie pédagogique, sur les équipes, » explique Mélanie Pelletier, « c’est vraiment des enjeux de valorisation du personnel dans une optique de rétention. » 

Prochaines étapes

Il est encore trop tôt dans le processus de négociation pour voir où celle-ci se dirige. Ainsi, au moment d’écrire ces lignes, la partie patronale n’avait pas encore déposé ses demandes. Les deux parties font face au même problème de pénurie de main-d’œuvre mais elles ne l’abordent pas nécessairement du même angle. « Les prochaines dates de négociation seront cruciales, c’est là que l’on va voir si l’on doit aller en assemblée générale avant l’été et envisager des moyens de pression », conclut Mélanie Pelletier.


Extrait du numéro de mai 2021 du journal Le Réflexe