Pénurie de personnel en santé

Vers des lendemains qui déchantent

Encore une fois, c’est dans la plus parfaite improvisation que le gouvernement Legault s’attaque, à la pièce, aux graves problèmes de pénuries de personnel dans le réseau de la santé et des services sociaux. En déshabillant Paul pour habiller Pierre, le gouvernement est en train de nous préparer des lendemains qui déchantent et une nouvelle crise.

1, 2, 3 classes de préposés aux bénéficiaires

Il y avait déjà un fossé qui séparait les conditions des préposé-es aux bénéficiaires travaillant dans le secteur public et le secteur privé, les premiers étant bien mieux payés que les seconds. Avec ses nouvelles annonces, le gouvernement est en train de créer deux classes de préposé-es aux bénéficiaires dans le secteur public : ceux et celles travaillant dans des CHSLD et les autres (principalement, mais pas seulement, en centre hospitalier).

Afin de favoriser le recrutement dans les CHSLD, le gouvernement Legault a annoncé des augmentations de salaire beaucoup plus importantes pour les préposé-es aux bénéficiaires travaillant en CHSLD que pour ceux travaillant dans d’autres secteurs, tels l’urgence ou les soins intensifs. Qu’on en juge, les futurs préposé-es en formation seront mieux payés que les premiers échelons des autres préposé-es aux bénéficiaires du secteur public.

Or, ce qu’il faut savoir c’est que la pénurie de préposé-es aux bénéficiaires est aigüe dans l’ensemble du réseau. Il est évident qu’en rendant un secteur plus intéressant que l’autre, on risque de provoquer des mouvements importants de main-d’œuvre (ou au minimum de nuire au recrutement en centre hospitalier). Nous sommes d’accord qu’il faut augmenter le salaire des préposé-es aux bénéficiaires pour qu’il reflète leurs tâches à leur juste valeur. Nous le disons depuis si longtemps. Mais l’équité la plus élémentaire veut qu’un même titre d’emploi commande le même salaire, peu importe l’établissement.

Un message négatif

En se concentrant uniquement sur le salaire des préposé-es aux bénéficiaires, au mépris de tous les autres, le gouvernement Legault envoie par la bande un message négatif à tous les autres employé-es du réseau de la santé et des services sociaux : votre travail n’est pas si important et ne vaut guère plus que ce que vous recevez déjà. Or, c’est faux, la pénurie frappe des dizaines de titres d’emploi, tous plus importants les uns que les autres. Nous sommes d’avis, à contrario d’autres organisations, qu’il ne faut pas hiérarchiser les titres d’emploi. Il faut plutôt saluer bien bas l’immense travail d’équipe de tous les titres d’emploi œuvrant dans le réseau. Chacune et chacun sont d’une extrême importance et raison d’être, sans exception. Donner des soins ou prendre soin sont deux volets absolument vitaux et complémentaires.

On ne règlera pas les problèmes du réseau de la santé et des services sociaux à la pièce, en patchant des trous. Que fait Monsieur Legault pour les nombreuses personnes aînées qui souhaitent rester dans leur demeure ? Comment compte-t-il, par exemple, améliorer les soins à domicile qui sont nettement anémiques ? Le réseau de la santé est un tout, un équilibre fragile. Pour arriver à un meilleur résultat, nous devons mettre de l’avant une approche globale qui, bien sûr, tient compte du salaire, mais aussi des conditions de travail. Les gens qui travaillent en santé et services sociaux ont besoin d’un salaire décent, c’est crucial. Ce dont ils ont aussi besoin, c’est de la reconnaissance, de la stabilité, des postes et des horaires plus humains. Ce n’est pas juste l’embauche. Toujours faut-il être capable d’améliorer grandement la capacité de rétention des personnes dans le réseau. Sinon, le syndrome de la porte tournante va se poursuivre à l’image d’un chien qui court éternellement après sa queue. Si Monsieur Legault souhaite être celui qui règlera le dossier des CHSLD et d’en faire son leg, qu’il le fasse sans volontairement créer un autre problème qui sera certainement aussi important, mais cette fois, dans le reste du réseau.

Ann Gingras, présidente

Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN)

Lucie Langlois, vice-présidente régionale

Fédération de la santé et des services sociaux (CSN)