Arbitrage dans les cas d’assurance-salaire

Un syndicat soulève des questions éthiques

Québec, 26 novembre 2019. – Dans le domaine de la santé, les employeurs se trouvent à être les assureurs des travailleuses et des travailleurs. Ainsi, en cas d’absence maladie prolongée, c’est l’employeur qui paie les indemnités de l’assurance-salaire. Or, un syndicat du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale soulève des questions sur le processus qui mène, ou pas, à leur indemnisation.

Bien évidemment, à titre d’assureur, il arrive que l’employeur demande des expertises médicales afin de contester le rapport du médecin traitant. « Par la suite, nous avons constaté que lors d’arbitrage, l’avis des médecins traitant de nos membres n’a prévalu que dans 8 % des cas, ces six derniers mois de 2018 », révèle Richard Boissinot, président du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS de la Capitale-Nationale (CSN), « autrement dit, les médecins utilisés par l’employeur et les arbitres médicaux contredisent l’avis du médecin traitant 8 fois sur 10. »

En analysant les dossiers, le syndicat a découvert que lorsque la partie patronale a besoin d’une expertise médicale, elle faisait affaire avec la Clinique Lizotte Médico-Experts dont le président, le Docteur Lizotte, est médecin désigné du CIUSSS. De plus, plusieurs médecins utilisés par la partie patronale pour réaliser des expertises sont également arbitres dans d’autres cas soumis à l’arbitrage par celle-ci. Quelques-uns proviennent même de la clinique Lizotte Médico-Experts.

« C’est extrêmement troublant que les mêmes médecins soient tantôt experts pour la partie patronale, tantôt arbitres des litiges », expose Richard Boissinot, « pour nous ça pose des questions éthiques. » Le syndicat avance que certains pourraient croire que les dés sont pipés contre les travailleurs et les travailleuses, ce qui mine la confiance dans l’impartialité du système.

Il faut mentionner que lorsque la partie syndicale perd en arbitrage, les salarié-es sont forcés de rembourser les sommes reçues rétroactivement à la date où l’employeur les a sommés de reprendre le travail. « On parle ici de plusieurs semaines de prestations, ce qui peut placer bien des gens dont les salaires sont modestes, dans des situations délicates », dénonce le syndicaliste. Résultat, de plus en plus de salarié-es font le choix de rentrer au travail même s’ils sont toujours malades, parce qu’ils n’ont pas confiance dans le processus d’arbitrage.

« Ces questions nous préoccupent grandement », ajoute Ann Gingras, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), « le minimum serait qu’un même médecin ne puisse pas être à la fois expert pour un employeur et arbitre dans les dossiers de ce même employeur. » Il en va de l’image de la justice et de la crédibilité du processus d’arbitrage selon Ann Gingras qui croit que la ministre de la Santé et des Services sociaux devrait enquêter et intervenir.

La syndicaliste se questionne également sur le détournement que semble constituer la pratique d’expertises médicales pour certains. « Les médecins sont formés à grands frais pour pratiquer la médecine, or, certains finissent par se spécialiser en expertises médicales et en arbitrage au point où l’on peut se demander s’il ne s’agit pas là de l’essentiel de leur pratique, n’est-ce pas là un détournement de mission ? » conclut Ann Gingras.

À propos

Le Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CIUSSS de la Capitale-Nationale (CSN) représente près de 8 000 salarié-es des catégories 2 et 3. Il est affilié à la Fédération de la santé et des services sociaux (CSN), qui compte près de 250 syndicats représentant 110 000 membres œuvrant dans le réseau de la santé et des services sociaux et dans le réseau des services de garde, au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), qui regroupe 240 syndicats représentant 45 000 membres œuvrant tant dans le secteur public que privé, ainsi qu’à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) qui représente près de 300 000 membres dans tous les secteurs d’activités.