Vania Wright Larin, coordonnateur du Regroupement d’éducation populaire en action communautaire (RÉPAC).

Victoire majeure des groupes communautaires

L’annonce est pour ainsi dire passée inaperçue. Elle a été faite en plein cœur du mois de juillet, à Trois-Rivières, dans les locaux d’un regroupement régional d’organismes communautaires. Pourtant, elle est historique et signale une victoire majeure des groupes de défense collective des droits qui voient leur financement de base faire un bond de près de 30 %. Le Réflexe a rencontré Vania Wright Larin, coordonnateur du Regroupement d’éducation populaire en action communautaire (RÉPAC), pour en savoir plus.

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information 

Qu’est-ce qu’ils ont gagné ?

Les groupes de défense collective des droits ont obtenu une hausse globale de leur financement de base de près de 11 M$ alors qu’il s’élevait jusqu’à maintenant à 22 M$. La mécanique de la hausse vise à réduire les iniquités de financement entre les organismes. Le plancher de base des organismes locaux est significativement rehaussé, il passe de 30 000 $ à 71 500 $, et des paliers régionaux et nationaux sont créés. Les augmentations moyennes varient de 19 % à 25 % selon le territoire couvert, les groupes les plus pauvres obtenant plus.

À cela s’ajoute une hausse générale de 3,96 % pour permettre aux organismes d’assumer les coûts de croissance de leur masse salariale ainsi qu’un montant de 2,6 M$ pour permettre de financer de nouveaux groupes (une première depuis plus de 10 ans).

« Il s’agit vraiment d’un rehaussement par le bas du financement des groupes communautaires », se réjouit Vania Wright Larin, « il faut reconnaitre que le ministre a répondu, dans les limites de ses contraintes budgétaires, à toutes les revendications historiques des groupes de défense collective des droits. » En effet, il s’agit d’un financement à la mission, récurrent, avec un mécanisme d’indexation établissant des seuils planchers de financement.


Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

« J’explique beaucoup les gains obtenus par une mobilisation des groupes au bon moment », confie le coordonnateur du RÉPAC, « nous avions réussi à obtenir des engagements financiers des libéraux dans leur dernier budget, il n’a fallu que convaincre le nouveau gouvernement d’affecter les sommes à nos priorités. » L’ancien ministre François Blais avait en effet commencé le travail de rehaussement du financement des groupes de défense des droits. Une première hausse de 11 % avait découlé du Plan de lutte à la pauvreté, elle fut suivie d’une seconde hausse de 12 % juste avant les élections. Le gouvernement libéral avait prévu une troisième hausse 9,5 M$ pour financer les activités individuelles de défense des droits (le service dans le jargon) après les élections.

Cette position ministérielle des libéraux a créé des débats déchirants à l’intérieur du mouvement communautaire. Certains s’y résignant, d’autres tenant à la définition historique de la défense collective des droits qui comporte, bien sûr, une part de service, mais qui inclut aussi la perspective de luttes sociales collectives. « Ça a été un débat important et la défense collective des droits en est ressortie gagnante sans équivoque, les négociations avec le nouveau gouvernement se sont faites là-dessus », explique le militant.

« Nous ce qu’on a dit au nouveau ministre c’est « l’argent est déjà là », mais il faudrait plutôt financer les groupes à la mission et reconnaitre leur autonomie », raconte Vania Wright Larin, « à notre grande surprise, le ministre nous a écouté et nous a demandé de lui faire une proposition. » C’est donc à partir d’une proposition soumise par les groupes eux-mêmes que le ministère a travaillé.


Une lutte de longue haleine

Le conseil central a appuyé les groupes communautaires à maintes reprises lors d’actions et de journées de grève. Ici lors de la journée de grève du 2 décembre 2015.

C’est en 2013 que le RÉPAC entreprend de faire de la question du financement des organismes un enjeu de lutte. Il faudra près de deux ans pour qu’une première action directe d’envergure, le blocage au petit matin du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité soit organisée, le 30 septembre 2015. « Ça a ouvert la voie à une lutte plus militante », pense le coordonnateur du RÉPAC. Une alliance inédite entre différents secteurs, qui, jusque-là, menaient leurs propres campagnes autonomes, a permis d’organiser la première grève de l’histoire du mouvement communautaire les 2 et 3 novembre 2015. L’alliance entre les groupes de défense collective des droits et les groupes de santé et services sociaux, sous la forme d’une campagne unitaire appelée Engagez-vous pour le communautaire, a permis au mouvement de prendre de l’ampleur. Un crescendo d’actions dont d’autres journées de grève, mais aussi une manifestation nationale et plusieurs actions de blocage ont mené à l’obtention des premiers gains dans le budget 2017-2018. Le gouvernement libéral a alors tenté de diviser pour régner, en faisant des annonces pour certains secteurs, mais en ignorant complètement la défense collective des droits.

« La mobilisation est devenue plus souterraine par la suite, avec quelques belles manifestations, mais sans journées de grève. Heureusement, le dossier de la défense collective des droits a débloqué dans le budget 2018-2019 », explique Vania Wright Larin, « le reste, ça a été de la négociation et de la pression pour en arriver aux annonces de cet été. » En tout et pour tout, tous secteurs confondus, le mouvement communautaire a obtenu une hausse de financement de 55,5 M$ grâce à la campagne Engagez-vous pour le communautaire. 


Défense collective des droits ?

Les groupes de défense collective des droits sont les parents pauvres du mouvement communautaire. Reconnus depuis 2001 par l’État, il s’agit d’organismes partageant une approche d’intervention collective visant la pleine reconnaissance et la pleine application des droits de la personne. On parle par exemple des associations de locataires ou des groupes de personnes assistées sociales.

Pour être reconnu et éventuellement financé par le gouvernement, un groupe de défense collective des droits doit:

  • Faire de l’analyse politique non partisane des enjeux sociaux;
  • Réaliser des activités d’éducation populaire;
  • Organiser des activités de mobilisation sociale et;
  • Effectuer des représentations auprès des décideurs politiques et administratifs.

Extrait du numéro de septembre 2019 du journal Le Réflexe.