La liberté des uns et l’ingérence de l’autre

Quel étonnement de lire dans Le Soleil que le gouvernement Couillard n’a pas l’intention de se pencher sur les faramineux salaires des hauts dirigeants des entreprises privées et que, selon le premier ministre, «toute ingérence gouvernementale heurterait notre système démocratique basé sur les valeurs liées aux libertés individuelles».

Ah oui? N’est-ce pas ce que vous faites, M. Couillard, chaque fois que vous vous permettez un décret pour imposer des conditions salariales, tel que vous l’avez fait cette semaine pour les 175 000 travailleurs et travailleuses de la construction? N’avez-vous pas, à ce moment, «heurté» notre système démocratique en vous attaquant à des personnes qui exerçaient un droit fondamental, voire constitutionnel, à savoir le droit de grève? Ne vous êtes-vous pas permis de vous ingérer dans une négociation qui relevait du secteur privé? Manifestement, vous avez perfectionné l’art de parler des deux côtés de la bouche.

Et vous n’êtes pas en reste avec le secteur public, alors que vous affirmez que les «salaires des dirigeants de nos sociétés d’État sont nettement moindres que ceux des hauts dirigeants des marchés comparables dans le secteur privé, et que les abaisser limiterait significativement leur capacité commerciale d’attirer les meilleurs talents».

C’est sans gêne que le gouvernement libéral a plus d’une fois imposé par décret les conditions salariales des travailleuses et des travailleurs des secteurs public et parapublic, tout en brimant un droit qui relève des lois du Québec qu’est le droit à la négociation, alors que toutes les études démontraient un retard dans la rémunération de ces salariés par rapport au secteur privé pour des emplois équivalents.

De plus, le «groupe parlementaire libéral fait valoir que les écarts de richesse sont moins criants au Québec qu’ailleurs». Pourtant, selon le réseau des banques alimentaires du Québec, on constate une nette augmentation de 5,4 % des demandeurs à du soutien alimentaire, qui sont pour une bonne partie des travailleurs et des travailleuses qui peinent à joindre les deux bouts. Ce ne sont sûrement pas les grands dirigeants qui gonflent ces statistiques.

Vous nous comparez toujours au pire pour justifier votre lamentable tendance à niveler vers le bas.

Allez, M. Couillard, ayez un peu, juste un peu de volonté afin d’aspirer à un Québec meilleur pour les travailleurs et les travailleuses, ainsi que pour l’ensemble de la collectivité, et non seulement pour une partie qui est choyée et privilégiée par une démocratie basée sur vos fameuses valeurs.

Ann Gingras, présidente, Conseil central de Québec-Chaudière-Appalaches (CSN)