Faute d’une entente de principe, les membres du Syndicat des chauffeurs d’autobus de la Rive Sud (CSN) ont déclenché lundi 23 janvier matin une grève de 6 jours. Des membres d’autres syndicats de Lévis et du conseil central étaient présents en solidarité pour l’installation de la grève.

Société de transport de Lévis

Un manque de vision pour le transport en commun

Au moment d’écrire ces lignes, faute d’une entente de principe malgré un blitz de négociation, les usagères et usagers du transport en commun de la Rive-Sud devait composer avec un nouvel arrêt de travail. En effet, le Syndicat des chauffeurs d’autobus de la Rive-Sud a annoncé le déclenchement d’une grève de 6 jours du 23 janvier au 28 inclusivement. La négociation se poursuit dans l’espoir de rapprocher les parties et d’en arriver à un règlement satisfaisant.

Par Jérôme Godbout, conseiller à l’information

La dernière convention collective a pris fin le 31 décembre 2021. Depuis, malgré les nombreuses séances de négociation, il reste encore du chemin à faire. « L’absence d’un mandat sérieux pour négocier du côté de l’employeur est réellement un frein majeur dans l’avancement de nos discussions. Nos demandes sont claires et limpides. Nous demandons la fin de la sous-traitance et l’abolition des postes temporaires », indique le président du syndicat, Alain Audet.

Une première journée de grève historique a d’ailleurs eu lieu le 14 novembre dernier pour tenter de dénouer l’impasse. Depuis sa fondation il y a plus de 40 ans, le syndicat n’avait jamais interrompu le service pour aller en grève. « C’était une première en plus de 40 ans, ça démontre bien notre sérieux et notre bonne volonté. Malheureusement, on se bute à un manque d’ambition politique de la part du maire à investir dans le transport en commun », précise le syndicaliste.

Il renchérit en indiquant « le maire Lehouillier se plaît à dire haut et fort que la ville est l’une des plus prospères de la province. Ce qu’il ne dit pas c’est qu’elle traine de l’arrière en matière de transport en commun et d’investissements. Définitivement un manque de vision pour une ville du XXIe siècle. »

Par habitant, Lévis consacre beaucoup moins de financement à son réseau de transport en commun que des villes comparables. De plus, la croissance démographique de la ville est sans égale. Elle se situe au premier rang en termes de croissance démographique au Québec en dépassant largement ses projections année après année. À ce sujet, la présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), Barbara Poirier, n’hésite pas en indiquant : « les citoyennes et les citoyens de la ville de Lévis ne sont pas des contribuables de seconde zone. Ils méritent d’avoir les mêmes services que la Rive-Nord. En plus, quand le maire dit qu’il faut respecter la capacité de payer des contribuables, il commencerait à être temps d’arrêter de pitcher l’argent des contribuables à des compagnies privées en sous-traitance et de l’investir dans son propre réseau de transport public. L’argent est là, il faut juste arrêter de financer le privé. Ça demande juste un peu de courage et de volonté, ce qui semble complètement absent. »

Des demandes pour soutenir le transport en commun

Actuellement, ce sont près de 30 % des syndiqué-es qui sont sur appel, sans garantie d’heure. « En temps de pénurie de main-d’œuvre, c’est fini le temps partiel. Si on veut attirer du monde, il faut être attrayant. La sous-traitance actuellement, c’est un frein pour la rétention de la main-d’œuvre. On a du monde encore temps partiel, sans garantie d’heure, pendant qu’on sous-traite des lignes ? Vraiment ? C’est de l’aveuglement volontaire de ne pas voir le problème », s’indigne le président du syndicat.

C’est d’ailleurs ce que l’on peut observer quand on porte attention aux effectifs de la société de transport. En décembre 2021, le syndicat comptait 117 membres. Ils sont aujourd’hui 110. Une diminution qui sous-entend indéniablement une diminution des services et du réseau.

Autre signe avant-coureur d’une catastrophe annoncée, plus d’une trentaine de chauffeurs du Réseau de transport de la Capitale (RTC) sont des habitants de Lévis. « Quand des chauffeurs vivant sur ton territoire décident de traverser les ponts pour aller faire le même travail, mais pour une autre société de transport, il y a une prise de conscience à avoir. On dirait que malgré tout, ça ne semble pas suffisant pour raisonner l’administration pour mobiliser les ressources et un mandat de négociation clair », souligne le président du syndicat.

Les réponses de l’employeur au sujet de l’annonce de la grève ne rassurent en rien sur l’évolution des négociations. Toujours selon le président du syndicat, « il est important de comprendre ici que l’annonce de la grève a été faite plusieurs jours d’avance pour donner une chance à la négociation. Malheureusement, encore aujourd’hui, malgré un blitz de négociation, le fossé entre nos demandes et les offres de la société de transport reste encore trop grand. »

Les premières réactions de la part de l’employeur font en effet écho à ces propos. Ses annonces de respecter les demandes de la médiation en déposant une offre globale sont logiques, mais ne démontrent pas une augmentation de la motivation ou encore des ressources. « Si on retourne toujours porter le même message, peu importe que l’on respecte le processus ou non, on ne progresse pas. L’espoir était de leur montrer clairement qu’il était temps de dialoguer sérieusement pour éviter un conflit de travail. Malheureusement, ce ne fut pas suffisant. »

Forte solidarité intersyndicale

Un élan de solidarité syndical peut aussi être observé sur la Rive-Sud du fleuve en appui à ces syndiqué-es. En effet, plusieurs membres d’autres syndicats sont venus prêter main-forte au syndicat durant ses activités de mobilisation. Une solidarité à l’image de la CSN qui vient grandement influencer le rapport de force que tout un chacun peut vivre dans son propre milieu de travail. L’appui des membres du syndicat du chantier Davie, du CISSS de Chaudière-Appalaches, du Centre de services scolaire des Navigateurs ainsi que du Réseau de transport de la Capitale, leur vis-à-vis sur la Rive-Nord a grandement influencé la vigueur et la mobilisation de tous les syndiqués présents. Le président du syndicat conclut d’ailleurs en indiquant « on est mobilisés et on a eu l’appui des autres syndicats de la région, c’est une solidarité qu’on a rarement vue et qui change tout. Nos membres nous le disent. »


Extrait du numéro de février 2023 du journal Le Réflexe