Le conseil central réitère sa position abolitionniste

(NLL) Fin octobre, une bombe éclate dans la constellation féministe: la Fédération des femmes du Québec a adopté en assemblée générale une position pour le moins controversée reconnaissant « l’agentivité » des femmes dans l’industrie du sexe et la revendication de certains groupes voulant que la prostitution est un travail qui doit être reconnu et donner droit aux protections habituelles.

« Je venais tout juste d’arriver en poste comme responsable de la condition féminine au conseil central », raconte la nouvelle vice-présidente, Barbara Poirier. « Il fallait réagir, on en a parlé en conseil syndical et finalement, unanimement, on a choisi de sortir un communiqué qui réitère la position du conseil central: la prostitution est une exploitation à dénoncer et une pratique à combattre ».

« Je me suis retrouvée dans le bain assez rapidement avec une entrevue sur une radio privée de Beauce où on a expliqué que le conseil central a toujours lutté contre toutes les formes de discrimination et de violence faites aux femmes », raconte Barbara Poirier, deuxième vice-présidente du conseil central. « Nous dénonçons fortement la banalisation du phénomène de la prostitution et de l’exploitation sexuelle. »

La prostitution n’est pas un choix de carrière

Les données sont claires, la majorité des prostituées n’ont pas fait le choix libre et sans contrainte de vivre de la prostitution. Selon les estimations disponibles, 90 % des prostituées sont contraintes par la misère et les violences à subir l’exploitation sexuelle, 9 sur 10 sont dépendantes d’un proxénète et les trois quarts ont entre 13 et 25 ans. « Lorsque l’on parle d’agentivité et de consentement, on parle pour une minorité de prostituées; lorsque l’on parle de considérer la prostitution comme un travail, on est dans l’individuel et certainement pas dans le collectif », dénonce Barbara Poirier.

Le conseil central participe depuis une quarantaine d’années au mouvement des femmes dans la région et pratique un féminisme basé sur les luttes collectives. « On travaille pour faire avancer la cause des femmes et ces débats-là ne la font pas avancer. Au lieu de nous unir, ça nous divise profondément », pense la responsable du dossier de la condition féminine au conseil central.

Le conseil central n’a pas renouvelé son adhésion à la Fédération des femmes du Québec cette année parce qu’il se reconnaissait de moins en moins dans les débats et les positions de l’organisme. « Aujourd’hui, nos chemins se séparent et nous sommes obligés de nous dissocier publiquement », déplore la deuxième vice-présidente. « Ce n’est pas banal, la FFQ est une institution avec laquelle nous avons partagé plusieurs décennies de luttes marquantes, comme la Marche du pain et des roses contre la pauvreté et la violence faite aux femmes. »

Pour le conseil central, l’avenir du mouvement des femmes est dans les luttes collectives. « Nous espérons bien sûr pouvoir nous retrouver plus tard, dans d’autres circonstances, autour de luttes communes pour faire avancer la cause des femmes, de toutes les femmes », conclut Barbara Poirier.

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Extrait du numéro de décembre 2018 du journal Le Réflexe