Rassemblement régional du 23 novembre, près de 15 000 grévistes devant l’Assemblée nationale

Secteur public

Le front commun a fait gronder la région

Après des années de vaches maigres et d’austérité, le retard à combler était immense dans le secteur public. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la mobilisation des travailleuses et des travailleurs a été à la hauteur, historique même. La réponse du gouvernement ? Pas mal moins.

C’est après 11 jours de grève discontinues, et sous la menace d’une grève générale illimitée en janvier que le gouvernement a finalement plié entre Noël et le Jour de l’an et conclu une hypothèse de règlement avec le Front commun du secteur public. Cette hypothèse, devenue entente de principe entre temps, a été adoptée à 74,8 % par les assemblées générales des syndicats membres du Front commun, a-t-on appris le 23 février. À la CSN, l’entente est passée avec une moyenne à 81 %.

Une mobilisation historique

Pour la première fois depuis le début des années 1980, les organisations syndicales réunies en Front commun ont posé la question de la grève générale illimitée. La réponse des membres fut sans équivoque : oui à 95 %. La table était mise pour la plus grande mobilisation des quarante dernières années.

Le Front commun, mis en place pour la ronde de 2023, est le plus large jamais constitué avec quatre organisations regroupant 420 000 membres représentés à 80 % par des femmes. Une stratégie prudente, mais combative a été mise en place afin de garder l’unité le plus longtemps possible. La grève générale, avant d’être illimitée, devait d’abord s’exercer en séquences dans une perspective d’escalade. Cette stratégie, critiquée par certains, aura permis de faire augmenter graduellement la pression tout en gardant le Front commun intact jusqu’à la toute fin, une première.

La grève des travailleuses et des travailleurs du secteur a été très suivie, comme en témoigne un nombre record d’inscriptions aux activités de piquetage dans la majorité des syndicats, et a joui d’un appui populaire indéniable. Une fois n’est pas coutume, le Front commun a largement gagné la bataille de l’opinion publique. Les concerts de klaxons ainsi que les sondages en témoignent.

La grève, bien que générale et simultanée dans tous les secteurs, a permis de constater l’existence de deux planètes syndicales : l’éducation et la santé. En effet, dans le secteur scolaire et les cégeps, les établissements ferment lorsque les travailleuses et les travailleurs sont en grève. Les syndicats de ces secteurs ont multiplié les rassemblements et les activités de masse. On peut penser au rassemblement régional de 15 000 grévistes devant l’Assemblée nationale le 23 novembre ou aux visites collectives de députés (à 1 000 !) le 12 décembre.

Dans le secteur de la santé, la réalité de la grève est différente. Les établissements ne ferment pas quand les travailleuses et les travailleurs sont en grève et celles et ceux-ci doivent maintenir des services essentiels. La grève y est donc plus classique et se limite souvent, par la force des choses, à du piquetage devant les établissements. La solidarité des syndicats des autres secteurs fut d’ailleurs belle à voir avec de nombreuses marches s’arrêtant devant les hôpitaux et de nombreux militant-es, y compris du secteur privé, allant prêter main-forte aux syndicats de la santé.

Un pied dans la porte

Si la grève du secteur public fut historique, autant par sa durée que par le nombre de grévistes, les syndiqué-es affrontaient un gouvernement jouissant lui aussi d’un appui populaire et d’une majorité historique. Rappelons-nous qu’il y a un an, le gouvernement caquiste semblait bien en selle et absolument indélogeable.

La mobilisation exemplaire des travailleuses et des travailleurs et l’appui de l’opinion publique auront permis de mettre le gouvernement dans les câbles et de le forcer à investir beaucoup plus que ce qu’il avait prévu dans les services publics (notamment dans les salaires). Les gains de cette ronde de négociation sont loin d’être négligeables : hausses salariales inédites, protection contre l’inflation, vacances supplémentaires et amélioration des assurances notamment. Sont-ils suffisants ? Sont-ils à la hauteur ? C’est matière à débat. Comme dans toute négociation, ils constituent la base sur laquelle les syndicats vont pouvoir s’appuyer pour aller plus loin la prochaine fois. Il faut le constater et l’apprécier : au lieu des reculs auxquels nous sommes habitués, les travailleuses et les travailleurs ont fait des gains et leur cause a avancé avec cette ronde. En ce sens, on a gagné, il faut le dire, peut-être pas la guerre, mais certainement cette bataille-là.

On ne peut régler tous les problèmes du secteur public par le biais du renouvellement des conventions collectives. Il faut poursuivre la lutte sociopolitique pour un réinvestissement massif dans nos réseaux, leur démocratisation et leur décentralisation. À ce chapitre, on peut compter sur la CSN et le conseil central pour être de toutes les batailles et mener les campagnes nécessaires. « Ce n’est qu’un début… », comme on disait dans le temps.

 

Le Front commun en chiffre

Dans la région, le Front commun du secteur public c’est :

  • 70 000 travailleuses et travailleurs.
  • Une travailleuse sur cinq.

Dans la région, à la CSN, le secteur public c’est :

  • 28 syndicats
  • 25 000 travailleuses et travailleurs
  • 57 % des membres du conseil central

 

 


Extrait du numéro de mars 2024 du journal Le Réflexe