Des membres du syndicat des RMU de Québec lors d’une activité de visibilité le 20 avril dernier

Au bout de la ligne

C’est un matin gris de février. Vous devez sortir plus tôt avant d’aller travailler pour déneiger votre entrée. Comme à votre habitude, vous vous attaquez à la tâche sans tarder. Soudainement, et sans signes avant-coureurs, vous sentez une pression énorme sur votre poitrine, votre souffle est court et la panique vous envahit. Vous décidez de contacter immédiatement le 911 pour demander de l’aide.

Au bout du fil, c’est Sophie qui vous répond, une répondante médicale d’urgence (RMU). Sophie en est à sa 16e heure de travail consécutive, elle a déjà répondu à plus de 100 appels pour accompagner des gens en situation d’urgence. Encore une fois ce soir, elle a dû faire du temps supplémentaire pour pourvoir les postes manquants et s’assurer que le service vous soit offert. Son épuisement est évident, mais elle persévère et offre le service qui permet d’aider à sauver des vies.

À plus de 100 reprises cette journée-là, elle a du répondre au téléphone et elle n’avait aucune idée de ce qui l’attendait. Une fois c’était une personne qui avait subi une mauvaise chute et qui avait besoin d’assistance, l’autre, un jeune parent en panique qui lui indiquait que son enfant était en arrêt respiratoire et qu’elle ne savait plus quoi faire.

C’est l’incertitude complète qui attend les RMU quand ils et elles prennent les appels. Il n’y a qu’une chose de sûr, c’est qu’ils et elles devront donner leur 110 % pour sauver des vies, et ce, jour après jour. La charge mentale associée à chaque appel est incroyable et la résilience doit être sans faille.

Il n’y a rien de nouveau dans ce qui vient d’être mis en lumière. Rien qui n’a pas déjà été dit, rien qui ne soit pas compris par vous ou moi. Malheureusement, il reste encore et toujours des gens qui ne comprennent pas l’importance de ce travail et la charge qui y est associée. Cela fait plus de trois ans que le Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Centrale de Coordination santé de la région de Québec (CSN) est en négociation de convention collective pour obtenir des conditions dignes de leur travail. C’est donc dire que cela fait trois ans que le Conseil du trésor n’est pas capable de reconnaitre l’importance de leur tâche et du caractère essentiel de leur travail.

« Les RMU jouent un rôle indispensable dans toute la chaîne des soins préhospitaliers d’urgence, ajoute la présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), Barbare Poirier. Les membres revendiquent des conditions à la hauteur de leur travail. Je mets au défi n’importe qui au gouvernement de venir prendre leur place une semaine. Je me demande s’ils proposeraient encore 2 % d’augmentation. Nous saluons tout le courage de ces travailleuses et de ces travailleurs, c’est toute la CSN qui se tiendra à leurs côtés, solidaire, aussi longtemps qu’il le faudra. »

Pour la présidente par intérim du syndicat, Sophie Cossette-Laberge, et ses membres, le message est très clair : « Il n’y a aucune reconnaissance de notre travail et de la charge qui y est associée. On ne considère pas l’impact que le travail peut avoir sur nos vies et sur notre santé psychologique. Sans compter les nombreuses heures et le temps supplémentaire obligatoire à répétition ! On se sent comme des numéros qu’on peut remplacer n’importe quand. »

Bien que plusieurs éléments normatifs de leur convention collective soient finalisés, il reste encore à s’entendre sur les horaires de travail et la rémunération. En temps de pénurie de main-d’œuvre, offrir des conditions de travail et de vie intéressantes devient une priorité pour s’assurer une certaine rétention de la main-d’œuvre. La présidente par intérim du syndicat nous indique à cet effet « Il est d’ailleurs annoncé par l’employeur qu’il est probable que plusieurs d’entre nous ne puissent pas prendre toutes nos vacances cet été dû au manque de personnel. On espère vraiment avoir de la rétention de main-d’œuvre en agissant comme ça ? On va droit dans un mur ! Il y a déjà plusieurs départs en maladie dans notre équipe. Il faut agir et rapidement. »

Pendant tout ce temps, et malgré toutes les embuches, les travailleuses et les travailleurs continuent d’effectuer leur travail le mieux possible. Le problème est qu’elles et ils sont de moins en moins nombreux. Les départs s’accentuent et les arrivées se font rares. Il va sans dire, les conditions de travail et le climat qui y règne n’ont rien pour améliorer la situation. Est-ce que comme société nous pouvons réellement nous permettre de laisser ces postes vacants ? Qu’arrivera-t-il le jour ou l’un de vos proches appellera au 911 et qu’il n’y aura plus personne au bout de la ligne pour lui répondre ?

Une lutte méconnue

Sans convention collective depuis maintenant 3 ans, les membres du syndicat font tout en leur pouvoir pour se faire entendre. Comme leur emploi est soumis aux services essentiels, leurs options d’actions sont malheureusement limitées. En revanche, l’option d’effectuer la grève de temps et de certaines tâches leur permet de ne pas assister à certains comités administratifs ou encore de forcer les cadres à, eux aussi, participer à l’effort en effectuant du temps supplémentaire obligatoire (TSO). 

 


Extrait du numéro de mai 2023 du journal Le Réflexe