Transport en commun
Des négos sur fond de pénurie de main-d’œuvre
Les chauffeurs d’autobus urbains de Québec et Lévis sont en négociation cet automne pour le renouvellement de leurs conventions collectives au RTC et à la STL. Les demandes sont importantes et ambitieuses sur fond de pénurie de main-d’œuvre et d’inflation galopante. L’occasion est idéale pour reconnaître à sa juste valeur le service à la population offert par les employé-es du transport urbain.
Québec
« L’enjeu principal à Québec concerne les salaires », révèle Hélène Fortin, présidente du Syndicat des employés du transport public du Québec métropolitain (CSN), qui représente les quelque 956 chauffeurs du RTC, « les gens veulent suivre l’inflation et faire du rattrapage avec les chauffeurs d’autobus urbains de Montréal et Laval. »
Les conditions de travail et la sous-traitance sont également dans la ligne de mire du syndicat. « On veut améliorer les horaires de bouffon qu’on a en ce moment », lâche Hélène Fortin. Actuellement, les horaires sont tellement serrés que les chauffeurs n’ont pas le temps d’aller aux toilettes (notamment). « On s’est fait dire que si on voulait avoir le temps d’aller aux toilettes, on avait juste à le faire conventionner ! », révèle la présidente du syndicat. Du côté de la sous-traitance, la syndicaliste ne cache pas que le Flexibus est dans la ligne de mire et que les chauffeurs voudraient être derrière le volant (actuellement, le service est offert en sous-traitance par Taxi Coop).
La convention collective du groupe chauffeurs du RTC arrivait à échéance le 30 juin. De par la loi, la négociation devrait durer six mois, le calendrier de négociation est d’ailleurs déjà fixé jusqu’en janvier 2023, mais une prolongation n’est jamais exclue. « On va adopter notre cahier de négo en assemblée le 7 septembre », dit Hélène Fortin, « le vrai début des négos va avoir lieu le 19 septembre avec l’échange des cahiers patronaux et syndicaux. »
Fait à noter, le climat est loin d’être au beau fixe au RTC. « On n’a jamais eu une mobilisation aussi forte, c’est impressionnant », révèle Hélène Fortin qui rappelle que les membres du syndicat ont adopté à l’unanimité un mandat de moyens de pression sur la sous-traitance et le climat de travail en juin dernier. « Depuis on a réussi à se reparler, on a eu 2 ou 3 rencontres avec les ressources humaines », raconte la présidente, « ils disent comprendre nos frustrations, disent nous entendre et vouloir améliorer le climat de travail, mais on en est juste là, ils nous ont ‘’entendus’’, on est encore loin des solutions. »
Lévis
« À Lévis, on a deux gros enjeux qui sont bien illustrés par notre slogan ‘’non à la sous-traitance, oui à la permanence’’ », dit Alain Audet, le président du Syndicat des chauffeurs d’autobus de la Rive-Sud (CSN). « Sur 115 chauffeurs environ, il y a 80 employés réguliers, ce qui veut dire que les autres sont des employés occasionnels, sur appel et sans garantie d’heures », révèle le syndicaliste.
« Nous on opère tout ce qui est à l’Est du pont », explique Alain Audet, « tout le secteur Ouest, à part quelques lignes comme la L3 et des parcours intégrés, est opéré par Autocar des Chutes. » Le syndicat revendique donc de mettre fin à la sous-traitance et de régulariser tous les salarié-es. « En ayant tout le territoire, on aurait de meilleures conditions et de meilleurs parcours », estime le syndicaliste. Sans parler du service à la clientèle qui s’en trouverait amélioré.
« Notre point de vue ce n’est pas de plumer l’employeur », assure le président du syndicat, « ce qu’on veut c’est être attractif et attirant dans un contexte de pénurie. » Alain Audet assure que le contexte de l’emploi a beaucoup changé. « Avant les gens étaient contents d’avoir un pied dans la porte et étaient prêts à vivre avec le statut d’occasionnel en attendant », explique-t-il, « mais aujourd’hui ça ne suffit plus, les gens peuvent tout à fait trouver mieux ailleurs. »
Selon le président du syndicat, le climat est bon à la table de négociation. « C’est sûr qu’il y a une distance qui nous sépare, mais c’est normal, on a des demandes ambitieuses », explique-t-il. Le dernier conflit de travail à la STL remonte à 1980. « C’est sûr qu’on ne veut pas en venir là, mais je sens que les membres sont derrière nous autres », estime Alain Audet, « il y a une tendance qu’on n’a jamais vue, la CSN est là, on est mobilisés et on a eu l’appui des autres syndicats de la région, il y a une solidarité qu’on n’avait jamais vue, les membres nous le disent, ça change tout. »
Entretien
Du côté des garages du RTC, on n’est pas encore en négociation, mais c’est tout comme. « Notre convention vient à échéance en 2024 », explique Kevin Roy, président du Syndicat des salariés (ées) d’entretien du RTC–CSN, « mais on vient d’adopter une lettre d’entente sur l’attraction-rétention de la main-d’œuvre et on s’en va en médiation sur les relations de travail en septembre. »
Les salarié-es ont exercé des moyens de pression au printemps qui les ont menés jusqu’au Tribunal administratif du Travail (TAT). « Nous on voulait une meilleure reconnaissance des employé-es et les moyens de pression ont forcé l’ouverture d’une discussion avec l’employeur », explique Kevin Roy, « on a réussi à s’entendre pour permettre aux nouveaux employés d’atteindre le plein salaire en deux ans au lieu de trois, on a augmenté les salaires, éliminé le statut de temporaire pour les gens de métier à cause de la pénurie. On a aussi obtenu une garantie de 40 h pour les préposé-es à l’entretien qui sont temporaires et sur appel. »
« Aller chercher une bonification des conditions de travail entre deux négociations, c’est extrêmement rare », se réjouit Kevin Roy. Mais la situation le justifie amplement. « Avant, entrer au RTC c’était le jackpot, mais ce n’est plus le cas », explique le président, « le privé c’est adapté, mais le public n’a pas suivi, on a encore de bonnes conditions, mais on est plus excellent comme avant ce qui fait que les gens ne veulent plus endurer un statut temporaire sur appel, jour, soir, nuit avant d’avoir une permanence. » Il manque actuellement une quarantaine de personnes à l’entretien, ce qui aurait été inimaginable il y a seulement quelques années.
Le personnel d’entretien souffre d’un manque flagrant de reconnaissance et vit des enjeux sur les questions de sous-traitance, de formation et de climat de travail. « Avant, quand il y avait des grands projets au RTC, on en faisait un bout, mais aujourd’hui on est complètement exclus », explique Kevin Roy, « c’est un irritant, les gens se sentent moins reconnus. » L’entretien est ainsi complètement exclu des nouveaux services comme le tramway, à vélo ou le Flexibus, « c’est pourtant nous qui détenons la plus grande expertise. »
Pour l’heure, le syndicat monte tranquillement son cahier de charges pour la prochaine négociation. La direction dit qu’elle veut travailler pour améliorer le climat de travail, mais ça ne se sent pas encore sur le terrain. « En septembre, on s’en va en médiation pour régler en profondeur les problèmes de relations de travail avec un médiateur du ministère », conclut Kevin Roy, « on va essayer de bonifier les horaires et d’améliorer les choses, ce n’est pas rose, mais pas tout noir non plus. Ça a brassé pas mal le printemps dernier, ça a servi, on ne s’est pas attachés les mains, on n’en serait pas là aujourd’hui sans ça. »
Extrait du numéro de septembre 2022 du journal Le Réflexe