Ann Gingras, en mai 2021, lors d’une manifestation à Thetford en appui aux travailleuses et aux travailleurs du soutien scolaire en grève.

Ann Gingras

Quatre décennies de combats syndicaux

Celle qui a présidé aux destinées du conseil central pendant plus de 20 ans a tiré sa révérence l’été dernier pour « relever de nouveaux défis » comme le veut la formule consacrée. Bref retour sur les quatre décennies d’implication syndicale d’Ann Gingras.

Premiers pas

Ann Gingras, en 1988 dans Nouvelles CSN. Elle était alors présidente du syndicat du Hilton (elle pose d’ailleurs devant l’une des premières affiches de la négociation coordonnée de l’hôtellerie).

« J’haïssais mon boss », la réponse à la question sur ce qui l’a amenée au syndicalisme fuse, directe et brutalement franche. Cette réponse est un grand classique qu’elle répétait avec malice dans toutes les sessions de formation au conseil central. « Je suis rentrée au Hilton le 19 mai 1980, j’avais été sollicitée pour le syndicat et j’avais dit non », explique-t-elle, « j’ai changé d’idée par la suite ».

C’est comme agente de grief qu’elle fait ses premiers pas dans le syndicalisme en 1982. Une chose en amenant une autre, elle est élue vice-présidente du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du Hilton-Québec (CSN) en 1984 et accède à la présidence en 1985. C’est une période mouvementée pour le syndicat qui venait à peine d’arriver à la CSN, accrédité en 1979 après une bataille de 5 ans pour se débarrasser d’un syndicat fantôme américain.

« On a fait la grève pendant deux semaines en 1984, pendant le festival mer et monde », se souvient-elle. « La grève avait été déclarée illégale sur une technicalité; on s’est rendus jusqu’en Cour suprême et on a eu gain de cause… 15 ans plus tard! » En 1986, le syndicat du Hilton participe à la toute première négociation coordonnée de l’hôtellerie à Québec et résiste à un lock-out sauvage durant le temps des Fêtes.

Conseil central

En 1989, Ann Gingras est élue au conseil syndical et nommée formatrice au conseil central. Elle participe en parallèle au bureau fédéral de la Fédération du commerce où elle est également formatrice.

Le 8 novembre 1991, Ann Gingras est élue première vice-présidente du Conseil central des syndicats nationaux de la région de Québec (CSN). « C’était la première fois qu’une femme se présentait sur le poste de l’appui aux luttes », dit-elle, « j’ai été la seule d’ailleurs ». C’est à la suite de l’élection de Denise Boucher au comité exécutif de la CSN, en 1999, qu’Ann Gingras devient présidente du conseil central.

Dossiers marquants

De 1997 à 2001, Ann Gingras siège à la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Québec. « Ça a été un mandat marquant, de représenter le monde et de les mobiliser », dit-elle. Il faut dire que la Régie siégeait en public et que les syndicats n’hésitaient pas à publiciser les sujets à l’ordre du jour pour s’assurer de faire salle comble.

Le mandat d’Ann Gingras aura également été marqué par plusieurs mobilisations pour sauver des entreprises et, surtout, les emplois syndiqués qui y étaient rattachés. « La sauvegarde du Concorde en 2014, ça a vraiment été quelque chose, tout un épisode, » donne-t-elle en exemple, « la Davie aussi ça a été une affaire de longue haleine ».

« Toute la question de la santé et sécurité au travail a profondément marqué mon passage à la CSN, » ajoute-t-elle. « C’est surprenant à quel point c’est rendu ancré et que ça fait partie de l’ADN du conseil central ». Ann Gingras cite la popularité des journées thématiques en SST, des activités en congrès, « on a fait un gros travail en amont, c’est spécifique à Québec cet intérêt pour la SST ».

Pour celle qui a le conseil central tatoué sur le cœur, « la ligne transversale entre tout ça c’est la proximité développée au fil des ans avec les syndicats ».

Le syndicalisme est une passion

Lorsqu’on lui demande si elle a un dernier message qu’elle veut transmettre aux lecteurs du Réflexe, Ann Gingras axe sur la passion et la fierté. « Quand on s’implique syndicalement, ce n’est pas un passe-temps, c’est un mode de vie, une passion, ça t’habite complètement », dit-elle, « ceux et celles qui veulent faire ça de 9 à 5, à temps perdu, ne rendent pas service au monde qu’ils représentent. Si j’ai un message à passer aux militantes et militants c’est celui-ci : soyez fiers, restez toujours fiers et convaincus; des injustices à dénoncer, il y en aura toujours; ça prend du monde comme vous, avec du cœur au ventre, pour dénoncer les injustices, représenter et défendre votre monde parce que c’est pas donné à tout le monde. »

Merci Ann

En plus de 100 ans d’histoire, Ann Gingras est la personne qui a occupé le plus longtemps (22 ans) le poste de présidente du conseil central. Nous la remercions pour toutes ces années de militantisme syndical et de défense acharnée des travailleuses et des travailleurs.


Extrait du numéro de mars 2022 du journal Le Réflexe.