Coup de théâtre à la TÉLUQ cet été, le directeur général Martin Noël a été relevé de ses fonctions le 27 juillet dernier par le conseil exécutif du gouvernement, le ministère du premier ministre, à la suite d’une enquête du ministère de l’Éducation supérieure. Dans la foulée, la direction de la TÉLUQ a décidé de mettre fin à l’entente la liant à l’Institut MATCI. Une lueur d’espoir pour les tuteurs et les tutrices de la Télé-Université?


Par Nicolas Lefebvre Legault, Conseiller à l’information

« Des irrégularités significatives »

À la suite des pressions syndicales et politiques, Hélène David, ministre de l’Enseignement supérieur, a décidé en mai de demander une enquête sur la TÉLUQ. C’est dans la foulée que le DG de la Télé-Université était relevé de ses fonctions. La ministre a évoqué, lors d’une rencontre avec les employés, « des irrégularités significatives » et de « sérieuses anomalies » dans l’entente avec l’Institut MATCI.

Selon une enquête de Radio-Canada, publiée le 22 août, il n’y aurait jamais eu d’appel d’offres pour le contrat d’encadrement pédagogique et de correction d’examens donné à l’Institut MATCI, un organisme privé marocain ayant des bureaux à Montréal. Le contrat, que le CA de la TÉLUQ n’a jamais vu, a coûté plus de 5 M$ à la Télé-Université jusqu’à maintenant et dépasse donc largement les 100 000 $ commandant un appel d’offre public. Selon le diffuseur public, au moins trois lois n’auraient pas été respectées dans le dossier. Trois enquêtes, menées par le ministère et par de mystérieuses « autorités compétentes », sont en cours.

L’entente avec l’Institut MATCI avait été dénoncée comme une privatisation de l’enseignement par les syndicats depuis des mois (la FNEEQ, notamment, avait intenté des recours juridiques). Concrètement, c’est l’encadrement de 6 000 étudiant-es, le tiers des étudiant-es de la TÉLUQ, qui était donné en sous-traitance. Le syndicat des tuteurs et des tutrices évaluait les pertes d’emplois à plus de 20 % ses membres. Pire, les négociations laissaient entendre que ces derniers n’auraient plus que 13,5 % des contrats (les autres étant laissés à la sous-traitance ou à de nouveaux « professeurs à contrat »).

De nouveaux horizons

Les derniers développements semblent donner raison à la CSN, dont de nombreux intervenants sont actuellement poursuivis en diffamation par la TÉLUQ pour des dénonciations sur la place publique ce printemps. « Ma prétention était que c’est un détournement de fonds publics, que ça allait à l’encontre de la mission publique de l’institution et que l’on tente d’implanter un modèle de sous-traitance et c’est exactement ce que les derniers développements viennent admettre », explique Yves Fortin, secrétaire général du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN), visé par une poursuite à la suite d’une intervention dans une manifestation.

« On n’a pas eu de nouvelles de la poursuite, mais ça ne serait pas surprenant qu’elle soit abandonnée », pense le secrétaire général; « l’histoire récente vient conforter nos analyses dans ce dossier-là. Ce qui est le plus choquant, c’est qu’on utilise des poursuites pour camoufler une démarche qui est illégale en vertu des lois et des protocoles administratifs du Québec; ils ont développé un modèle d’affaires strictement basé sur ce qui se passe au privé en faisant fi des orientations gouvernementales ». Selon Yves Fortin, il s’agit là d’un bel exemple de marchandisation de l’éducation.

Sans être dans le secret des dieux de la négociation, Yves Fortin croit que les derniers développements ouvrent de nouveaux horizons pour le syndicat des tuteurs et des tutrices. « L’avenir saura nous le dire, mais je ne crois pas que la direction de la TÉLUQ pourra poursuivre la négociation sur la base où elle était engagée [la disparition programmée des tuteurs et tutrices] », conclut-il.   

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Extrait du numéro de septembre 2018 du Réflexe