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Crise au Groupe Capitales Médias

Le Soleil renaît en coop

Depuis le 19 août, les manifestations de soutien aux quotidiens du Groupe Capitales Médias se sont multipliées. Ici, à Québec, le 8 septembre dernier.

Tout indique que Le Soleil sera transformé en coopérative de solidarité avant la fin de l’année. Le Réflexe fait le point sur une petite révolution dans le monde de l’information.

Maintenant que le juge Daniel Dumais, de la Cour supérieure, a accepté la recommandation du séquestre de PwC, avec la bénédiction du gouvernement, les artisans de la coop ont jusqu’au 18 décembre pour conclure la vente. « On ne voit pas d’écueils majeurs qui empêcheraient la transaction », nous dit Jean-François Néron, membre du comité de formation de la coopérative et président du Syndicat de la rédaction du Soleil (CSN).

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information


De la faillite au projet de coop

Transformer le capital de sympathie en capital

La nouvelle tombe comme une bombe le 19 août : le Groupe Capitales Médias, qui publie notamment Le Soleil, mais aussi cinq autres quotidiens régionaux, se place sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. « À partir de ce moment-là, on est dans une situation de fermeture si on ne trouve pas de repreneur », rappelle Jean-François Néron.

Le choc et la stupeur dans les salles de rédaction font rapidement place à l’espoir alors qu’une grande vague d’amour venant du public déferle. Les gens tiennent à leurs quotidiens et le manifestent de plusieurs façons. « On a remarqué un grand capital de sympathie et on s’est demandé pourquoi on n’essaierait pas de transformer ce soutien populaire en capital financier », raconte le journaliste.

L’idée d’une relance sous forme de coopérative avait été lancée par la Fédération nationale des communications (CSN) qui regroupe l’immense majorité des syndicats du Groupe Capitales Médias (tous, en fait, à l’exception du syndicat de la rédaction de La Tribune). Le 27 août, une assemblée générale conjointe des syndicats CSN du groupe mandate la fédération et MCE Conseils afin d’explorer l’option coop. 

« Après analyse, on s’est rendu compte que ce qui colle le plus à notre réalité, c’est la formule de la coopérative de solidarité qui permet de solliciter l’appui de la communauté », explique Jean-François Néron. Afin de maximiser l’appui du milieu, il a été décidé de créer six coopératives, une par quotidien, et une septième chapeautant le groupe pour les services communs.

« On a invité les gens à donner selon leurs moyens et nous sommes allés voir en parallèle les syndicats, corporations, entreprises pour obtenir du soutien », raconte le président du syndicat du Soleil. L’objectif était de récolter 500 000 $ dans chaque milieu, objectif atteint et même dépassé dans certains cas. En outre, les artisans des coopératives sont également allés chercher du soutien sous forme d’engagements publicitaires sur 1, 2 ou 3 ans. « Juste à Québec, on est allé chercher près de 1,5 M$, comme ça », indique Jean-François Néron.

« Nous sommes très satisfaits de l’appui de la communauté », nous dit Jean-François Néron, « on demande aux gens de donner sans avantages concrets, la réponse est excellente : la première raison pour laquelle les gens donnent c’est parce qu’ils croient à l’importance de l’information. » Le syndicaliste souligne que le contexte n’est pas facile, à la veille des fêtes, mais que l’appui de la communauté a donné le coup de pouce suffisant pour faire le bouclage de l’entreprise. « L’implication du milieu fut aussi un élément positif pour convaincre les grands bailleurs de fonds d’embarquer dans le projet. On a fait en un mois, un mois et demi ce qui prend de cinq à six mois habituellement », révèle-t-il.

Les évènements se sont bousculés dans la troisième semaine de novembre. Le mardi 19, le gouvernement a affiché ses couleurs et annoncé qu’il privilégiait le modèle coopératif pour la relance des quotidiens de GCM. Le même jour, le Mouvement Desjardins s’est toutefois désisté, ce qui entraine de l’incertitude. Cela n’a pas empêché le séquestre de PwC de recommander le projet de coop comme repreneur le lendemain. Vingt-quatre heures plus tard, le juge Daniel Dumais acceptait la recommandation du séquestre.


D’autres étapes à franchir

Il reste quelques étapes à franchir pour conclure la vente d’ici au 18 décembre. « On a des devoirs à faire pour répondre aux conditions imposées par le tribunal et les bailleurs de fonds », explique Jean-François Néron.

Il faut d’abord constituer légalement les coopératives et former les conseils d’administration. Les syndicats doivent également tenir des assemblées générales pour ouvrir les conventions collectives et mettre fin aux régimes de retraite. Le plan d’arrangement avec les créanciers doit également être approuvé par ceux-ci.

Finalement, il reste à compléter le montage financier. « Le refus du Mouvement Desjardins d’embarquer, alors que notre modèle est jugé crédible par les grands fonds, nous a étonné », dit Jean-François Néron, « la bonne nouvelle, c’est qu’on a des discussions avec d’autres acteurs et qu’on a bon espoir. »

Le plan d’affaires des coopératives prévoit un fonds de départ de 19 à 21 millions de dollars sur 5 ans. Jusqu’à maintenant, 16 M$ ont été trouvés. Il manque donc encore entre 3 et 5 M$ pour boucler le montage financier prévu. Un obstacle qui est loin d’être insurmontable considérant le chemin parcouru.


L’entonnoir

Quelques chiffres qui illustrent la crise que traverse une industrie autrefois prospère.

22 invitations ciblées ont été envoyées par le séquestre à des repreneurs éventuels

10 entités ont demandé à voir les chiffres de Groupe Capitales Médias

4 entités ont déposé une lettre d’intérêt pour reprendre le groupe

3 entités ont déposé un modèle d’affaires pour la relance

2 entités, dont le projet de coop, ont été retenues par le séquestre


Assemblée générale des syndicats du Soleil, le 27 août 2019. 

Dommage collatéral

« Un des gros dommage collatéral de la faillite de Groupe Capitales Médias, c’est la fermeture des régimes de retraite », explique Jean-François Néron. 

Le président du Syndicat de la rédaction du Soleil (CSN) explique qu’étant donné le déficit de solvabilité, le maintien des régimes de retraite aurait été un trop gros fardeau financier pour n’importe quel repreneur. « Juste la part de l’employeur, c’est près de 4 M$ par année, c’est impossible dans le contexte », laisse tomber Jean-François Néron.

Les artisans des coops ont donc fait leur deuil des régimes de retraite et les syndicats devront y mettre fin d’ici le 18 décembre. Il n’y avait malheureusement pas d’alternative, c’était ça ou la fermeture de l’entreprise et le chômage pour tous. Tout dépendant de la fluctuation des taux d’intérêts, les pertes risquent de s’élever à 25 %, tant pour les retraité-es que pour les actifs. Les retraité-es regardent toutefois toutes les options possibles pour limiter les pertes et responsabiliser Power Corporation, leur ancien employeur.


Le Groupe Capitales Médias en bref

Le Groupe Capitales Médias est né en mars 2015, lorsque Martin Cauchon rachète les quotidiens régionaux du groupe Gesca, filiale de Power Corporation. Les quotidiens publiés sont :

  • Le Soleil, Québec (1896)
  • Le Droit, Ottawa-Gatineau (1913)
  • La Voix de l’Est, Granby (1935)
  • La Tribune, Sherbrooke (1910)
  • Le Nouvelliste, Trois-Rivières (1920)
  • Le Progrès-Dimanche et Le Quotidien, Saguenay (1879-1973)

Après des années de compression, le Groupe Capitales Médias compte environ 300 employé-es et plus de 900 retraité-es. GCM a des dettes accumulées de 32 M$, dont 15 M$ à Investissement Québec, et perd entre 150 000 $ et 200 000 $ par semaine.


Fonctionnement du modèle coopératif

Jean-François Néron, président du Syndicat de la rédaction du Soleil (CSN)

Le modèle retenu pour la relance du Soleil est la coopérative de solidarité. Comment ça fonctionne ? Qu’est-ce que ça va changer ?

La coopérative de solidarité est un modèle coopératif dans lequel il y a deux types de membres : les membres travailleurs et les membres de soutien (qui peuvent être autant des corporations, des syndicats par exemple, que des individus). Le pouvoir dans une coopérative appartient aux membres, sur la base démocratique d’un membre, un vote. Les membres se réunissent en assemblées générales et élisent un conseil d’administration. Au quotidien, la gestion peut être plus ou moins participative.

Dans le cas du Soleil, bien que la répartition exacte des pouvoirs ne soit pas encore déterminée, on sait déjà que les employé-es seront toujours majoritaires. La loi prévoit d’ailleurs que les membres de soutien ne peuvent avoir plus du tiers des sièges au CA. Des collèges électoraux seront créés et cadres et syndiqué-es auront un pouvoir égal.

« Le Soleil c’est une entreprise où il y a eu beaucoup de tensions patronales/syndicales dans le passé », rappelle Jean-François Néron, « le modèle retenu amène tellement de changement dans la gouvernance qu’on ne peut pas prévoir ce qui va se passer exactement. » Selon le syndicaliste, une chose est sûre, on n’est plus dans une logique de confrontation. « C’est comme une roue qui tourne, tout le monde est redevable à tout le monde », illustre-t-il, « il y a beaucoup de questionnement, il va falloir redéfinir le rôle syndical dans ce contexte, on apprend ».

Selon les études, les travailleuses et les travailleurs se tournent souvent vers le modèle coopératif en désespoir de cause, quand tout a été essayé et qu’il n’y a plus d’issue. « C’est un modèle qui demande beaucoup de pédagogie, on a senti beaucoup de questions et de craintes parmi les membres », révèle Jean-François Néron. « Les coopératives c’est quelque chose que l’on connaît au Québec, mais de loin, comme un voisin à qui on ne dit jamais salut et dont on ne prend pas de nouvelles », illustre-t-il.

Les employé-es du Groupe Capitales Médias sont le groupe qui s’investit le plus dans le projet de coopérative. Au plan financier, leur contribution se fait sous la forme d’une retenue à la source d’environ 5 %, ce qui permettra de récolter environ 5 M$ en cinq ans.

« Si on a une chance de réussir, c’est en sortant du modèle traditionnel qui est de faire des profits à tout prix, sur une base trimestrielle », explique Jean-François Néron, « bien sûr on veut être rentable, mais on a pas besoin de faire des profits, ce qu’on veut c’est que l’information continue, tant mieux si on peut verser des ristournes, mais ce n’est pas le but ».


L’avenir à court terme du Soleil

Qu’est-ce qui attend Le Soleil dans les mois à venir ? Plusieurs scénarios ont été évoqués dans les médias, mais rien n’est encore totalement arrêté.

« Le modèle coopératif n’est pas une fin, c’est un véhicule, il doit être porté par un modèle d’affaires pérenne », explique Jean-François Néron qui précise : « on ne pourra plus faire dans le futur ce qu’on fait actuellement, il faudra absolument diversifier les sources de revenus, c’est ce qu’on veut faire dans la prochaine année. »

La coopérative ne partira pas de zéro. Avant le naufrage de l’entreprise, les employé-es travaillaient déjà depuis six mois sur un nouveau modèle d’affaires. Plusieurs idées circulent, comme celles de faire contribuer les lecteurs pour l’application et d’abandonner le papier en semaine, mais rien n’est encore arrêté. 

« On va informer les lecteurs au fur et à mesure des changements, s’il y a lieu. Ce sera une transition en douceur », assure Jean-François Néron, « le papier n’est pas là pour disparaitre au 1er janvier si on devient une coop. »


Vous pouvez encore contribuer

La campagne pour sauver les quotidiens du Groupe Capitales Médias a été lancée dans l’urgence. Les échéanciers étaient particulièrement serrés, une offre devant à l’origine être déposée avant le 25 octobre. Sachez qu’il est encore possible de contribuer, que ce soit comme syndicat ou comme individu.

« On peut devenir membre de la coopérative à tout moment », indique Jean-François Néron. Pour le moment, les artisans de la coopérative ne peuvent rien promettre aux membres, d’une part parce que la coopérative n’est pas encore formée, mais aussi à cause d’exigences légales de l’Autorité des marchés financiers.

« Ce n’est surtout pas un investissement, mais plutôt une contribution volontaire », dit Jean-François Néron, « tout ce que l’on peut promettre pour le moment c’est que, si ça fonctionne, l’information va continuer d’être livrée ». Si les objectifs de financement populaire ont été atteints pour le montage financier, les dons sont toujours les bienvenus. « Plus on a de soutien de la communauté, mieux c’est », explique-t-il, « ça va faciliter nos investissements et permettre d’accentuer notre virage numérique. » n

Pour contribuer : http://coopmonjournal.com


Le conseil central appuie la coopérative 

Le Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) a donné début octobre son appui à la coopérative du Soleil. Une lettre d’engagement de 10 000 $ pour le projet de coopérative a été signée. 

« Soyons clairs, la disparition du Soleil aurait été une catastrophe pour la région », selon la présidente du conseil central, Ann Gingras. Pour le conseil central, la crise que traverse le Groupe Capitales Médias devait se transformer en opportunité historique : celle de redonner Le Soleil à ses artisans et à sa communauté. 

« Ensemble, on va sauver Le Soleil et la diversité de l’information », s’enthousiasme Ann Gingras. « Imaginez une presse réellement indépendante, entièrement consacrée à son rôle d’information, imaginez une presse ne devant rendre de comptes qu’à la communauté qui la supporte ! Il me semble que c’est une aventure emballante qui mérite tout notre appui. »


Extrait du numéro de décembre 2019 du journal Le Réflexe

Bonification de la couverture ambulancière

Une victoire pour les paramédics et la population de Charlevoix

Emmanuel Deschênes, président du Syndicat des paramédics de Charlevoix (CSN).

L’annonce d’un investissement gouvernemental de 10,6 M$, pour bonifier la couverture ambulancière au Québec, se traduira par la conversion d’un horaire de faction à La Malbaie, une revendication historique du Syndicat des paramédics de Charlevoix (FSSS-CSN). 

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information 


Un gain pour Charlevoix

Le Syndicat des paramédics de Charlevoix (FSSS-CSN) se bat depuis des années pour transformer les quatre horaires de faction de Charlevoix en horaires à l’heure. « Là on a gagné une conversion à La Malbaie, c’est un gain pour les paramédics et la population de Charlevoix », dit Emmanuel Deschênes, « c’est 25 % de ce que l’on voulait précisément. »

Dans Charlevoix, l’investissement gouvernemental est de 923 000 $. « Ça rajoute 8 000 heures de couverture ambulancière et ça se traduit par la création de quatre emplois », explique Emmanuel Deschênes, « mais ce n’est pas ça le principal, c’est un effet secondaire, le cheval de bataille c’est les services à la population. » « Notre argument c’est que les gens de Charlevoix ne sont pas des citoyens de seconde zone, on a le droit aux mêmes services qu’en ville, même si on a fait le choix de vivre en région », explique le président du syndicat. 

La conversion va permettre d’améliorer le temps de réponse ambulancier. « Les paramédics vont être capables de faire leur travail, ce pour quoi ils ont été formés, c’est-à-dire sauver des vies », illustre Emmanuel Deschênes. « Le dossier est réglé de Sainte-Irénée à Clermont, mon combat va se terminer quand il y aura une couverture adéquate de Petite-Rivière-Saint-François à Baie-Sainte-Catherine », poursuit-il.

Victoire syndicale

« Nous réclamons ces investissements depuis des années, et plus particulièrement depuis la fin de notre dernière négociation en 2017. Le déploiement des heures de service supplémentaires et l’ajout des ambulances étaient grandement attendus », a souligné Jean Gagnon, paramédic et représentant du secteur préhospitalier à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN). À l’époque, la CSN avait arraché une directive ministérielle établissant des critères clairs pour la conversion des horaires de faction.

« La victoire est due au travail acharné du syndicat, avec l’appui du CIUSSS et de l’employeur », explique Emmanuel Deschênes, « on a travaillé en front commun sur ce dossier, c’est un pur cas de deuxième front ». La revendication syndicale était bien documentée et bien argumentée. C’est le syndicat qui a fait de ce dossier un enjeu par des coups d’éclat, tant au niveau local que national. Les paramédics ont ainsi pu aller chercher l’appui de la population et de la députée locale, Émilie Foster, qui avait pris un engagement en campagne électorale. 

Deuxième front?

À la CSN on parle souvent de deuxième front. Qu’en est-il?

Il s’agit de toutes les revendications qui dépassent le cadre de la négociation des conventions collectives et qui s’intéressent à la vie des travailleuses et des travailleurs à l’extérieur de leur milieu de travail. Bref, les revendications qui visent des changements sociaux touchant à la qualité de vie de toute la population comme, dans ce cas-ci, l’amélioration de la couverture ambulancière. L’expression a été popularisée en 1968 par Marcel Pepin, alors président de la CSN, dans un rapport moral percutant adopté par la suite par le congrès.

« Émilie Foster a travaillé fort sur ce dossier, on ne peut pas le nier, mais elle n’a pas fini de travailler », prévient Emmanuel Deschênes, pour qui la priorité, à court terme, sera de transformer un second horaire de faction, du côté de Baie-Saint-Paul, d’ici au printemps. « C’est le minimum à court terme, après on va se battre pour convertir les deux derniers horaires de faction, c’est mon combat syndical, je suis en mission », conclut le syndicaliste.


Vous avez dit horaire de faction?

Actuellement, deux types d’horaires gouvernent les ambulances dans la région de Charlevoix. 

Tout d’abord, les horaires réguliers à l’heure, de 7 h à 19 h, avec des ambulances sur la route, et ensuite, des horaires de faction qui consistent, pour un paramédic, à demeurer disponible 24 heures sur 24 durant sept jours consécutifs. Il y a deux horaires de faction à Baie-Saint-Paul, deux à La Malbaie, un à Saint-Siméon et un à L’Isle-aux-Coudres. L’investissement annoncé permet la conversion de l’un des horaires de faction de La Malbaie en horaire à l’heure.

« Les horaires de faction sont des boulets dans la profession de paramédic », explique Emmanuel Deschênes, « le temps de réponse en situation d’urgence est vital, toutes les vies qui se sauvent dans la région le sont lors d’intervention de jour, quand il y a des horaires à l’heure. » Pour le paramédic, la région serait mieux servie par un déploiement ambulancier dynamique.


Extrait du numéro de décembre 2019 du journal Le Réflexe

Intégration des travailleurs étrangers temporaires

Line Allard, présidente du syndicat, avec un groupe de travailleurs guatémaltèques de retour au Couvoir Scott après une pause de six mois.

Au Couvoir Scott, on y va un agenda à la fois

La demande était intrigante… « Le syndicat du couvoir Scott veut 20 copies de l’agenda du conseil central ». Au départ, on a cru à une erreur. Mais non, c’est au téléphone que la présidente du syndicat nous explique : des travailleurs temporaires ont été intégrés aux équipes depuis peu. « On veut leur distribuer l’agenda du conseil central pour qu’ils marquent leurs heures et qu’on vérifie avec eux que tout est correct sur leur paie ». Il n’en fallait pas plus pour piquer notre curiosité.

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information 


Couvoir Scott

Le Couvoir Scott est constitué d’un réseau de fermes et d’un couvoir syndiqué depuis près de 35 ans. Pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre, l’employeur a commencé à faire affaire avec un programme fédéral permettant l’embauche de travailleurs étrangers. Les travailleurs viennent du Guatemala et se relaient pour des périodes de six mois, ils sont logés dans une maison de la compagnie.

« Il y a une vingtaine de travailleurs temporaires au total », nous explique Line Allard, présidente du Syndicat des travailleuses et des travailleurs de Couvoir Scott (CSN), « ça va faire un an à la fin novembre que c’est commencé, le premier groupe vient de revenir ». 

La barrière de la langue

« Les patrons ont eu des cours d’espagnol, mais pas les syndiqué-es », explique Line Allard, « pour se comprendre il fallait prendre internet, ça a été difficile au début ». Tous les documents sur les sites ont été traduits par l’employeur et sont maintenant affichés dans les deux langues. Un programme de francisation, à raison de 2 h par semaine, a été mis en place. « Plusieurs sont devenus assez bons en français pour se débrouiller et pour qu’on arrive à se comprendre », explique la présidente.

Un encadrement à inventer

L’intégration n’est pas toujours évidente, mais se passe bien. Un des enjeux qui aurait pu être un point de friction c’est que le programme fédéral grâce auquel les travailleurs étrangers sont embauchés qui garanti 40 h par semaine.

La question des salaires va aussi éventuellement poser problème. « Actuellement, les travailleurs étrangers sont payés selon l’échelon de la convention collective, comme les nouveaux », explique Line Allard, « il faudra voir comment va s’appliquer l’ancienneté à l’avenir ». En fait, il y a toute une série d’enjeux qu’il faudra réfléchir syndicalement. « On s’en va en négociation bientôt, il va falloir se questionner sur les points que l’on veut amener par rapport aux immigrants et il va falloir conventionner ça », explique la syndicaliste.

Défis syndicaux 

« En 2020, ça va faire 35 ans que nous sommes syndiqués », dit Line Allard, « lorsqu’on a été racheté en 1989, il y a eu des années de frictions et une bataille pour garder le syndicat ». Avec le vieillissement des membres, un des enjeux qui pourrait se poser à terme, c’est la disparition des syndiqué-es et leur remplacement par des travailleurs temporaires. « Actuellement, ils représentent environ 8 % des membres, mais si on n’encadre rien, ça peut changer », croit la présidente.

Les travailleurs guatémaltèques ne sont pas nécessairement réfractaires au syndicat. « Il y en a qui ne viennent pas de nulle part, on leur parle du syndicat et on voit bien qu’ils connaissent ça et comprennent très bien de quoi il s’agit », explique Line Allard, « mais comme ils n’ont pas de postes et pas de résidence permanente, leur position est très précaire ».

Ce qui nous ramène aux agendas du conseil central. « Les travailleurs guatémaltèques sont appelés à travailler sur plusieurs fermes à des heures variables, ils ont, à l’occasion, des erreurs sur leurs paies », explique Line Allard, « c’est pour ça qu’on leur distribue l’agenda ». Ce qui n’est pas fou : la meilleure façon d’intégrer des nouveaux membres, qu’ils viennent de la Beauce ou du Guatemala, reste encore de les accueillir correctement et de les aider à défendre leurs droits.


Extrait du numéro de décembre 2019 du journal Le Réflexe

Notre mémoire

Norbert Rodrigue, 1940-2019

Norbert Rodrigue (1940-2019)

C’est avec tristesse que nous avons appris le décès, le 22 octobre dernier, de Norbert Rodrigue, ancien président de la CSN. Le conseil central offre ses plus sincères condoléances à sa famille et ses proches.

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information


Natif de la Beauce, Norbert Rodrigue exerce plusieurs métiers, notamment bûcheron et travailleur de la construction, avant de devenir aide-technicien en radiologie à l’Hôpital Sainte-Justine, à Montréal, où débute son engagement syndical. D’abord président de son syndicat, Norbert Rodrigue est élu président de la Fédération nationale des services, en 1968, puis premier vice-président de la CSN, en 1972. Perçu comme un modéré, Norbert Rodrigue l’emporte en 1976 contre Michel Chartrand et succède à Marcel Pepin à la présidence de la CSN.

Élu à 35 ans, ce qui en fait le plus jeune président de la CSN, Norbert Rodrigue est aussi le premier dirigeant syndical en 30 ans à provenir de la base et à ne pas être passé par l’université.

La présidence de Norbert Rodrigue est marquée par plusieurs conflits très durs (grève dans les minoteries, boycott de Cadbury, grève des travailleurs forestiers, grèves dans les médias) et l’émergence de la concertation. Il représente notamment la CSN aux sommets économiques de La Malbaie (1977), Montebello (1979) et Québec (1982). Indépendantiste, il convoque un congrès spécial de la centrale en 1979 et propose que la CSN appuie le oui au référendum de 1980. Sa présidence est assombrie par une grève des employé-es de la CSN, en 1980. En 1982, il quitte la présidence de la CSN.

Après son passage à la CSN, Norbert Rodrigue poursuit une carrière dans la haute fonction publique québécoise, notamment à l’Office des personnes handicapées du Québec qu’il dirige de février 1999 à sa retraite en janvier 2006.

« Il faut enraciner, convaincre et agir. La première qualité d’un véritable révolutionnaire qui ne veut pas seulement  agiter, mais transformer, c’est la patience. Je nous la souhaite à tous. Il faut bâtir une place plus grande et meilleure aux travailleurs, aux travailleuses, au monde ordinaire, au peuple. » 

Norbert Rodrigue, dernière allocution comme président de la CSN, 1982

Extrait du numéro de décembre 2019 du journal Le Réflexe

C’est réglé

Quelques brèves sur les dernières ententes signées dans la région


Héma-Québec

Le comité exécutif du STT de Héma-Québec Québec (CSN) avec leurs conseillers et la deuxième vice-présidente du conseil central.

Réunis en assemblée générale le 27 octobre, les membres du STT de Héma-Québec Québec (CSN) ont entériné l’entente de principe qui leur était soumise dans une proportion de 64 %. Ils se préparent maintenant pour la prochaine négociation dans un an.


Autres ententes

Personnel de soutien, commission scolaire de Charlevoix – entente locale adoptée le 23 septembre

Ville de Portneuf – entente adoptée le 10 octobre

Campus Notre-Dame-de-Foy – entente adoptée le 28 novembre


Extrait du numéro de décembre 2019 du journal Le Réflexe.