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Le ministre Boulet doit refaire ses devoirs selon le conseil central

Projet de loi 59 sur la réforme des lois en santé-sécurité au travail

Le ministre Boulet doit refaire ses devoirs selon le conseil central

Québec, 4 février 2021. – Réunis en assemblée générale hier, les représentants des syndicats affiliés au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) étaient unanimes : le ministre Boulet doit refaire ses devoirs et modifier en profondeur le projet de loi 59. Les délégué-es ont adopté une série de résolutions concernant la réforme du régime québécois de santé-sécurité au travail ainsi qu’un plan d’action pour se faire entendre.

« Le projet de loi 59 réformant les lois en matière de santé-sécurité au travail nous fera reculer de 40 ans », dénonce Ann Gingras, présidente du conseil central. Selon la syndicaliste, le projet de loi 59 sabote ce qui fonctionne bien dans les milieux travail et prive les travailleuses et les travailleurs des outils nécessaires en prévention. « C’est une réforme sans-cœur pour les personnes accidentées ou malades du travail », ajoute Ann Gingras, « ça a été pensé pour économiser de l’argent sur leur dos et baisser les cotisations des employeurs. »

Pour la présidente du conseil central, le projet de loi est inacceptable dans sa forme actuelle. « À notre avis, il faut minimalement scinder les volets réparation et prévention, qui concernent de toute façon deux lois différentes, et les traiter séparément », dit Ann Gingras. « Le niveau de complexité de ses deux lois dans un même projet de loi fait en sorte que plusieurs articles risquent d’être escamotés et ce sont les personnes accidentées qui paieront pour en bout de ligne. »

En matière de prévention, les syndicats affiliés au conseil central croient que les acquis actuels doivent être considérés comme un point de départ et être étendus à tous les secteurs du monde du travail. « Il ne fallait pas faire table rase, il y a actuellement des mécanismes qui ont fait leurs preuves dans les milieux industriels et qui ont permis de réduire significativement les accidents et les maladies, il faudrait les étendre à tous les milieux de travail au lieu de saupoudrer comme semble vouloir faire le ministre », croit Ann Gingras. « De plus, le fait de vouloir évacuer l’expertise de la santé publique des milieux de travail pour donner la place aux médecins d’employeurs constitue une gifle au visage pour les travailleuses et les travailleurs. »

En matière de réparation, il faut améliorer l’accessibilité du régime pour qu’il puisse remplir adéquatement son rôle. « Il faut s’attaquer à la surutilisation des médecins dans le processus de la réparation des lésions professionnelles ainsi qu’à la judiciarisation du régime », explique Ann Gingras. Une façon efficace de le faire serait notamment de revoir le mode de financement du régime, actuellement basé sur l’imputation. « Dans l’état actuel des choses, tout pousse à la contestation afin d’éviter une hausse des cotisations.

Il faut changer cette façon de faire. Cela entraîne un stress inutile et nuisible que l’on impose à des personnes qui, rappelons-le, sont blessées ou malades », explique-t-elle. Au contraire, la réforme du ministre amènerait le régime à s’enliser davantage dans une judiciarisation.

Les membres du conseil central, qui sont outrés par les reculs prévus dans la réforme du ministre Jean Boulet, se sont dotés d’un plan d’action pour se faire entendre. « C’est un sujet trop important, qui touche trop les travailleuses et les travailleurs dans leur quotidien, pour que nous restions silencieux. Il est certain que nous nous ferons entendre haut et fort dans les semaines à venir », conclut Ann Gingras.

À propos

Fondé en 1918, le Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CSN) regroupe les syndicats CSN sur le territoire de la Capitale-Nationale et de la région de Chaudière‑Appalaches. Il représente 250 syndicats et plus de 45 000 membres tant dans le secteur public que privé.

Lancement du Flexibus : Le syndicat des chauffeurs dénonce le manque de transparence de la direction du RTC

Lancement du Flexibus

Le syndicat des chauffeurs dénonce le manque de transparence de la direction du RTC

Québec, 3 février 2021. – Le Syndicat des employés du transport public du Québec métropolitain inc. (CSN), qui représente les chauffeurs du RTC, dénonce le manque de transparence de la direction du RTC dans le dossier du nouveau système de transport à la demande (Flexibus).

« Ça fait des mois qu’on interpelle la direction sur ce dossier et jusqu’à la semaine dernière nous n’avions jamais eu de retour, » explique Hélène Fortin, présidente du syndicat. Ce n’est que le 25 janvier que la direction a finalement présenté au syndicat son projet. « Entre ce dont on nous avait parlé il y a deux ans, qui consistait essentiellement en un service pour amener les usagers aux arrêts de bus les plus près, et ce qui a été présenté en conférence de presse, il y a une marge, le moins que l’on puisse dire c’est que cela manque de transparence, » dénonce Hélène Fortin.

Selon les informations disponibles, le nouveau service serait opéré par des fournisseurs et non par les employé-es du RTC. « Nous avons des clauses encadrant et limitant la sous-traitance dans notre convention collective, » rappelle Hélène Fortin, « on aurait aimé en entendre parler avant que ça ne soit annoncé dans les médias ».

Le syndicat examine actuellement ses recours dans ce dossier et a mandaté le Service juridique de la CSN de faire les analyses pertinentes.

Mot de la présidente

La mobilisation est de mise face au projet de loi 59

En 1979, lors de la mise sur pied des lois en santé-sécurité au travail, la commission parlementaire s’était déroulée pendant onze jours pour entendre les citoyennes, les citoyens et les groupes, et ce, uniquement sur la LSST. Quelques années plus tard, ce fut au tour de la LATMP dont les audiences s’étaient déroulées pendant dix jours. 

Cette fois-ci, ce sont trois minces jours et demi qui furent consacrés à l’étude des deux lois; soit la LSST et la LATMP. De plus, 10 minutes seulement furent accordées à chaque participant afin de présenter leurs points de vue. Sans surprise, le patronat de ce monde continue à dénoncer le coût de notre régime et exige que le ministre en fasse plus. Toujours des savants calculs comptables, mais jamais le coût humain n’est pris en compte à la suite d’une blessure ou d’une maladie professionnelle et encore moins le coût sociétal.

Le ministre Jean Boulet a le culot de prétendre que sa réforme est basée sur la science alors que bon nombre de médecins spécialistes en médecine du travail et de la santé sont venus dénoncés et dire le contraire. Le PL-59 semble autant inspiré de la science que les solutions à la pandémie mises de l’avant par l’ancien président Trump.  

Le ministre du Travail se dit d’accord avec plusieurs critiques adressées lors de la commission. Cela se traduirait-il par des amendements substantiels ? J’en doute. Pour que ce projet de loi indigeste soit refait du début à la fin, nous allons devoir prendre le chemin de la mobilisation pour faire entendre notre voix, la voix des travailleuses et travailleurs du Québec. 

Déjà, nous avons vu que la question de la santé-sécurité au travail est la priorité dégagée par les délégué-es lors du congrès de la CSN. Nous devons prendre la balle au bond. Ce que ce ministre tente de faire est absolument honteux. Il se permet, en plus de se vanter que ce projet de loi permettrait de faire des économies de 4,3 milliards de dollars de façon cumulative sur 10 ans, de baisser, encore, les cotisations des employeurs dans certains secteurs.

Alors que les lois devaient, au départ, protéger les travailleuses et travailleurs du Québec en assainissant les milieux de travail, 40 ans plus tard, elles sont plutôt criblées de nombreuses failles en raison des multiples contestations des employeurs et de l’application restrictive des lois par la CNESST. Nos protections se retrouvent judiciarisées à outrance. À cela, le ministre est muet. Il confirme même des pouvoirs supplémentaires à la CNESST, au BEM et aux médecins des employeurs.

Nous vous invitons à participer en grand nombre à la prochaine assemblée qui aura lieu le 3 février prochain. Lors de cette journée, l’avant-midi sera consacré à un panel sur les conséquences de cette réforme. Vous avez également à votre disposition du matériel d’information que vous pouvez partager avec vos membres. Des informations supplémentaires vous seront données lors de cette assemblée.

Tous ensemble, nous pouvons faire la différence et nous devons la faire afin de protéger les travailleuses et les travailleurs et obliger véritablement les employeurs à faire une réelle prévention dans les milieux de travail. Leur santé et leur sécurité au quotidien en dépendent !


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe

La démocratie au pas de course

Le ministre du Travail, Jean Boulet, n’avait prévu que trois petits jours pour la commission parlementaire chargée de se pencher sur la réforme du régime québécois de santé-sécurité au travail. Celle-ci s’est tenue en visioconférence, du 19 au 21 janvier. Devant les critiques, le ministre a bien dû se rendre à l’évidence : ajouter une journée et inviter quelques groupes et experts qui avaient été mis de côté. L’exercice est à l’image du projet de loi 59 : bâclé et fait à la course.

La réforme proposée est d’envergure : le projet de loi 59 fait plus de 120 pages et modifie plusieurs articles se rapportant à deux lois différentes et se référant à plusieurs règlements. Il aura un impact majeur sur la santé et la sécurité au travail des travailleuses et des travailleurs. 

Historiquement, les deux lois qui composent l’essentiel du régime québécois de santé-sécurité du travail, l’une portant sur la prévention, l’autre sur la réparation des lésions, ont été instituées, et donc étudiées une après l’autre de façon séparée. Le projet de loi 59 vise à les réformer ensemble : une première, ce qui multiplie et complexifie beaucoup les enjeux tout en permettant aux modifications apportées à une loi de se nourrir de l’autre.

Malgré cela, le ministre a choisi d’aller vite, plutôt que de prendre le temps de bien faire les choses. Les délais imposés furent extrêmement serrés, à peine trois mois (en incluant les Fêtes) entre le dépôt du projet de loi et le début de la commission parlementaire. Le tout durant une période, rappelons-le, où les rassemblements de plus de 25 personnes sont interdits.

Jean Boulet a choisi les groupes et les experts qu’il voulait entendre en commission parlementaire, écartant dans un premier temps certains experts reconnus, mais critiques, ainsi que les groupes communautaires œuvrant auprès des victimes d’accidents de travail ou de maladie professionnelle (l’uttam fut finalement invitée à la dernière minute). Malgré cela, le temps imparti aux intervenants pour faire valoir leur point, 10 minutes, était extrêmement court.

Tout cela a fait dire à la présidente du conseil central, Ann Gingras, que les conditions pour un débat public, serein et démocratique n’étaient pas réunies dans une lettre ouverte publiée quelques jours avant le début de la commission parlementaire. 


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe

Un recul historique pour l’industrie manufacturière

Un recul historique pour l’industrie manufacturière

Le projet de loi 59 constitue un recul historique pour les secteurs industriels et manufacturiers qui constituaient les anciens groupes prioritaires 1, 2 et 3. Selon l’analyse de la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM-CSN), les modifications proposées à la loi auront pour effet d’éliminer à terme les syndicats du champ de la prévention.

La loi adoptée en 1979, à la suite des grandes mobilisations syndicales, a introduit dans les milieux de travail des mécanismes de prévention comme un comité paritaire de santé-sécurité au travail, l’obligation de mettre en place des programmes de prévention et de santé ainsi que la création d’un poste de représentant à la prévention. L’objectif était de favoriser la prise en charge de la santé et de la sécurité dans les milieux de travail. 

Globalement, ça a bien fonctionné dans les milieux où cela a été implanté. Et c’est là le principal défaut: le déploiement progressif des mécanismes de prévention, qui devait à l’origine s’étendre à tous les milieux de travail, s’est limité à certains groupes seulement (surtout industriels) ce qui fait que seuls 15 % des travailleuses et des travailleurs sont couverts. Alors que le conseil d’administration de la CNESST avait le pouvoir d’étendre ces mécanismes à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs, ils ont préféré faire les morts en manquant lamentablement de leadership. Ils ont donc mis la table pour cette réforme.

Or, plutôt que d’étendre des mécanismes qui ont fait leurs preuves à l’ensemble des milieux de travail, la réforme proposée fait table rase et propose de nouveaux mécanismes, beaucoup plus faibles, qui s’appliqueront en fonction d’un niveau de risque déterminé notamment à partir du niveau de réclamations à la CNESST, c’est-à-dire les dossiers acceptés par cette dernière. Concrètement, les milieux organisés seront pénalisés à cause du travail réalisé en prévention et perdront l’essentiel de leurs moyens.

Le rôle de la santé publique est éliminé ainsi que les programmes de prévention pour laisser la place aux médecins des employeurs. Des représentantes et représentants à la prévention, des agentes et agents syndicaux choisis par leurs pairs, seront remplacés par des représentantes et représentants à la santé-sécurité qui disposeront de peu d’heures de libération et seront redevables du comité paritaire de santé et sécurité plutôt que du syndicat. De plus, les employeurs auront la possibilité de créer des comités multiétablissements risquant ainsi de déraciner complètement la santé-sécurité des milieux de travail. Pour les milieux classés comme à risques élevés, la perte d’heures de libération est d’environ 20 %, mais pour ceux classés à risques modérés et faibles, elle est de 80 à 85 %. 

Jean-François Hardy, président du syndicat de General Dynamics à 
Saint-Augustin

À l’usine de Saint-Augustin de General Dynamics, la différence est majeure. « Le représentant en prévention dispose de 16 h de libération par semaine », nous explique Jean-François Hardy, président du syndicat, « la personne est choisie par le syndicat, c’est le vice-président santé-sécurité qui est représentant à la prévention en même temps. Cette personne-là est complètement indépendante et libre de ses mouvements. Le temps nécessaire pour participer au comité paritaire de santé-sécurité de l’usine est calculé à part, ce n’est pas dans la même banque de libération. » Avec le projet de loi 59, le nouveau représentant à la santé-sécurité ne disposerait plus que de 3 h par semaine, incluant le temps de réunion du comité et serait redevable à ce dernier.

« Dans notre cas, tout est conventionné et on vient tout juste de signer pour cinq ans, alors on est quand même chanceux », dit Jean-François Hardy, « mais ça ne veut pas dire que ce ne sera pas un enjeu de négociation dans cinq ans, c’est quand même des coûts pour la compagnie. » 

Et advenant le cas où ça devient un enjeu de négociation, y aurait-il mobilisation des troupes ? « J’aimerais pouvoir dire oui, mais je ne suis pas optimiste », concède Jean-François Hardy, « s’il y a des attaques sur des sujets qui sont importants pour les travailleuses et les travailleurs, qui les touchent directement, oui, sans doute, il y a déjà eu des grosses luttes en SST ici, mais s’il s’agit seulement de réduire nos heures de libération et de réduire notre capacité d’action, pas sûr… »


Extrait de l’édition spéciale sur le projet de loi 59 de février 2021 du journal Le Réflexe