Depuis l’été dernier, les paramédics affiliés à la CSN multiplient les coups d’éclats. Ici devant l’Assemblée nationale. Photo : Pascal Ratthé

Paramédics en grève

Un appel au respect

Les grèves générales avec services essentiels font peu de bruit. Pour le public, rien ou presque ne change. C’est le cas des paramédics affiliés à la CSN qui sont en grève depuis juillet dernier. Nous sommes allés à leur rencontre pour en savoir plus sur leur conflit.

Enjeux

« Le principal enjeu, c’est le monétaire », nous dit d’emblée Frédéric Maheux, président de l’Association des travailleurs du préhospitalier (ATPH-CSN) qui représente 365 paramédics à Québec, Donnacona, Saint-Marc-des-Carrières, Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier et Montmagny. « Les paramédics sont les professionnels les moins bien payés de l’urgence », explique-t-il, « selon nos comparatifs, à formation et actes réservés équivalents, on est à 5 $ de l’heure du plus proche corps de métier. » Policiers, pompiers, inhalothérapeutes, infirmières, tous sont mieux payés que les paramédics.

Outre la question des salaires, la charge de travail et les horaires accrochent. « À Québec, la charge de travail c’est vraiment un enjeu », dit le président de l’ATPH, « trop souvent, les paramédics n’ont pas le temps de s’arrêter pour manger et ils ne sont jamais certains que leur quart de travail va se terminer à l’heure convenue. » Selon le syndicat, la charge de travail s’est alourdie avec les années, ce qui rend le métier de moins en moins attrayant. « Avec les conditions actuelles, on a de la misère à garder notre monde », dit-il.

Horaires de faction

En région, l’enjeu concerne plutôt les fameux horaires de faction où les paramédics doivent demeurer disponibles 24 h sur 24 h pendant 7 jours. « Pour nous, l’enjeu majeur c’est la conversion des horaires de faction en horaire à l’heure », nous dit Emmanuel Deschênes, secrétaire du Syndicat des paramédics de Charlevoix (CSN) qui représente les 55 paramédics de la grande région de Charlevoix. « La région s’est beaucoup développée, il y a une augmentation majeure de l’offre touristique et la pandémie fait en sorte que les gens sont plus présents sur le territoire », explique-t-il, « ça amène beaucoup de pression sur le système et ça fait en sorte que ce n’est plus un type d’horaire fiable. »

« Dans un horaire de faction, un horaire normal c’est 28 h sur la route sur 168 h de garde en 7 jours, après ça tu es en surcharge », explique Emmanuel Deschênes, « mais dans les dernières années, ça monte jusqu’à des 60 h, ça épuise le monde, c’est impossible de rester performant dans ce contexte. » À court terme, le syndicat espère convertir les horaires de faction de Baie-St-Paul en horaire à l’heure. « Notre travail de mobilisation, il se fait autour de ça, c’est vraiment une bataille de 2e front », dit-il. Dans la dernière année, le syndicat est allé chercher l’appui de la population et des conseils municipaux de Charlevoix-Ouest. « On interpelle régulièrement la députée Émilie Foster pour lui rappeler ses engagements à cet égard. »

Arrogance

Selon Frédéric Maheux, toute la recherche est faite et les arguments pour appuyer la position syndicale sont là. « Pourquoi ça bloque ? C’est de l’arrogance et de la mauvaise foi du ministère, je n’ai jamais vu ça en 16 ans de syndicat », s’exclame le président de l’ATPH, « c’est une question d’argent, mais on n’est pas très nombreux – il y a environ 6 000 paramédics au Québec — ils l’ont l’argent ». Emmanuel Deschênes renchérit : « c’est une question de volonté politique, on ne pèse presque rien dans le budget de la santé, à peine 1 %. »

Le secrétaire du syndicat de Charlevoix voit quand même une lueur d’espoir, « le gouvernement rajoute des crédits pour nous, 370 M$ sur 4 ans, on ne sait pas encore où ça va aller, mais c’est de l’argent, c’est déjà ça. On espère un renouvellement rapide de la convention collective, mais on ne sait pas ce qui s’en vient. » Selon Frédéric Maheux, une intensification de la négociation était prévue en avril, mais, prévient-il, « si rien ne bouge, il y aura d’autres manifestations dérangeantes comme le blocage des entrepôts de la SAQ, c’est sûr et certain. »

Un dossier à suivre donc.

Grève 2.0

En mars, les paramédics ont annoncé une intensification de leur grève avec services essentiels. Pour la première fois de leur histoire, certains paramédics sont autorisés à faire une « grève de temps ». Concrètement, les cadres qui ont des cartes de compétences valides et qui sont dans les bureaux depuis moins de 12 mois doivent prendre la route 4 h par semaine. « À Québec ça touche 6 ou 7 équipes de paramédics qui sont remplacées par une quinzaine de cadres pour 4 h par semaine », explique Frédéric Maheux, « la grève 2.0 ça fait bouger les choses, les employeurs n’avaient pas vu ça venir, on espère que ça va mettre de la pression sur le ministère. »


Extrait du numéro de mai 2022 du journal Le Réflexe