Lieu historique du Chantier maritime A.C. Davie, Lévis, Québec. Crédit : Cephas (wikicommons)

Où en est le chantier Davie ? 

Le chantier maritime Davie, à Lévis, a été beaucoup dans l’actualité ces dernières années. Comme c’est souvent le cas dans ce genre de dossier très politique, on a parfois l’impression que les ministres viennent et reviennent faire les mêmes annonces deux ou trois fois. Au point où il peut être difficile de se démêler. Le Réflexe a rencontré le président du syndicat, Herman Labrecque, pour faire le point. 

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information


Pas tiré d’affaire, mais en bonne voie 

En termes d’ouvrage concret, le chantier Davie travaille actuellement sur des contrats de réparation. 

« Présentement, on est à l’aube de livrer le Jean-Goodwill, l’un des brise-glaces que nous retapons pour la Garde côtière canadienne. De plus, une première frégate est entrée au chantier à la fin août et y sera pendant 15 mois pour des réparations majeures, deux autres suivront », explique le président du Syndicat des travailleurs du chantier naval de Lauzon inc.  

« Il y a présentement environ 350 à 400 personnes qui travaillent à la Davie », explique Herman Labrecque. Lorsque l’on sait que le nombre de travailleuses et de travailleurs est monté jusqu’à 1 100 pendant la construction de l’Astérix, on comprend que le chantier n’est pas encore totalement tiré d’affaire. Le fait est que, pour l’instant, le chantier ne fait que de la réparation. 

« Il n’y a pas de construction de navire en ce moment au chantier », explique le président du syndicat. Bien que la Davie ait obtenu la construction de deux traversiers fédéraux, dont la construction devait commencer en 2021, celle-ci a été retardée jusqu’en 2023.  C’est un contrat qui appartient à la Davie nous rassure le syndicaliste, mais qui devra se réaliser plus tard. « On sait que la compagnie a des vues sur deux ou trois autres contrats de réparations majeures, mais ce n’est pas encore signé et on parle d’appel d’offres ». 


Le NCSM St-John’s marque le retour des frégates au chantier naval de Lévis après plus de 25 ans. Il ne s’agit que d’un début afin de corriger le tort historique commis à l’égard du plus gros chantier naval au Canada. Solidarité !

Contenir la sous-traitance 

Après s’être battu fermement pour assurer la survie du chantier Davie, le nouveau cheval de bataille du syndicat concerne la sous-traitance.

« À l’heure actuelle, on a un bon débat sur la sous-traitance au chantier », glisse Herman Labrecque, « c’est sûr qu’il y aura toujours de la sous-traitance pour des travaux spécialisés, mais ce n’est pas normal qu’il y en ait pour la production. » 

 « On n’a pas pris notre place et on a acheté un peu trop facilement les arguments de la compagnie qui disait avoir des difficultés à recruter », raconte le président, « là on a mis notre pied à terre et on leur a dit « ce n’est pas vrai qu’on va vous aider à remplir ce chantier-là de sous-traitants. » 

Alors que dans le passé il pouvait y avoir jusqu’à 900 personnes sur les listes de rappel, elles se sont dangereusement vidées jusqu’à atteindre 380 récemment. Le processus d’embauche à la Davie est exigeant et très lourd, ce qui « force » la compagnie à avoir de plus en plus souvent recours à la sous-traitance pour respecter les délais. Cette situation pose un problème autant au chantier, qui forme des gens sans conserver d’expertise interne, qu’aux syndiqué-es. En effet, ces derniers accumulent certes de l’ancienneté, mais restent toujours aussi précaires et ne « montent » pas dans la liste de rappel s’il n’y a jamais d’embauche. 

Le syndicat fait des propositions pour arriver à surmonter les difficultés de recrutement de la compagnie. « On veut être mieux outillés pour les comités d’embauche et aussi faire affaire avec des agences pour sous-traiter le recrutement du personnel plutôt que de sous-traiter les travaux », explique le syndicaliste qui propose même de ressortir les vieilles listes d’ancienneté du syndicat pour aider. Afin que les choses se passent et que ça aboutisse, l’équipe syndicale a même obtenu de ses membres un mandat de moyens de pression excluant la grève.  « C’est notre cheval de bataille actuel, on veut des travailleurs « Davie » sinon l’expertise ne reste pas chez Davie. On veut augmenter nos listes comme dans le temps de l’Astérix », croit Herman Labrecque, « le gros combat syndical c’est la sous-traitance, on a réglé le dossier des horaires, là on doit régler le problème de la sous-traitance une fois pour toutes. »


Vers la négo 2021

La convention collective du chantier Davie arrive à échéance le 30 juin 2021.  

« Ce qui va nous animer le plus dans les prochains mois c’est la négo », dit Herman Labrecque. L’équipe en place a encore quelques formations à suivre pour être bien outillée puis ce sera la consultation des membres. « Il va falloir faire le tour des équipes et des départements pour rencontrer les membres et bâtir le cahier de demandes du syndicat », dit le président. 

« C’est sûr qu’il y aura des attentes élevées côté salarial et avantages sociaux », croit Herman Labrecque, « les syndiqué-es ont fait des sacrifices au fil des ans pour assurer la survie et la relance du chantier, mais aujourd’hui, si on se compare au chantier Irving, on n’est clairement pas là, nos conditions sont très inférieures aux leurs ». Autrement, le chantier a de l’histoire et, forcément, il a été négligé dans le passé. « On voit qu’il y a de la modernisation et des investissements à faire, et la compagnie en fait, mais c’est tellement grand comme installation industrielle que ça ne paraît presque pas quand il y a des investissements, c’est très dur de faire du rattrapage, et pourtant c’est ce qu’il faut, petit à petit, il faut améliorer le chantier », explique le président.


Herman Labrecque  

Herman Labecque, président du syndicat

Le président du Syndicat des travailleurs du chantier naval de Lauzon inc. est peintre. 

Militant dans l’âme, il s’est impliqué par intermittence au syndicat depuis les années 1990… et pas toujours à la Davie. « En carrière, j’ai vécu plusieurs fermetures, dont deux qui ont duré plus de 36 mois, alors forcément j’ai dû travailler ailleurs à certains moments, mais je me suis toujours impliqué dans le syndicat en place. En 38 ans sur le marché du travail, j’ai 18 ans d’implication syndicale », dit-il. Au syndicat de la Davie, Herman Labrecque a été simple militant, représentant, délégué, vice-président de soir remplaçant et, depuis 2019, président.


Extrait du numéro de septembre 2020 du journal Le Réflexe