Dessin paru en une du quotidien montréalais La Patrie, le 2 mai 1906.

Chronique historique

La tradition du 1er Mai

Le 1er Mai, ou Journée internationale des travailleuses et des travailleurs, commémore les gains obtenus par le mouvement ouvrier et rappelle les luttes qu’il reste à faire pour améliorer les conditions de vie des travailleuses et des travailleurs. Mais d’où vient cette journée ?

Par Nicolas Lefebvre Legault, conseiller à l’information


Origines

Cette date a été choisie afin de commémorer le souvenir des « martyrs de Chicago », des syndicalistes libertaires américains pendus dans la foulée d’une grève générale déclenchée le 1er mai 1886 pour revendiquer la journée de huit heures. C’est la Deuxième Internationale qui a décidé, en 1889, d’instaurer une journée internationale de lutte pour la réduction du temps de travail avec l’objectif d’atteindre la journée de 8 heures.

L’affiche la plus célèbre de la grève générale de 1886, à Chicago, que le 1er Mai veut rappeler.

À l’époque, la journée de travail est de 10 heures, et plus dans les pays industrialisés. Les partis et syndicats ouvriers font alors de la réduction du travail un axe central de leur action. La revendication fut satisfaite dans la plupart des pays industrialisés, notamment européens, pendant l’entre-deux-guerres. Malgré tout, le 1er Mai demeure l’occasion d’importantes manifestations ouvrières un peu partout dans le monde afin de célébrer les luttes des travailleuses et des travailleurs. C’est même un jour férié dans de nombreux pays.


Au Québec

Au Québec, toutefois, la tradition du 1er Mai a du mal à s’implanter. En effet, en Amérique du Nord, les syndicats préfèrent en général souligner la fête du Travail. Au Québec, le premier lundi de septembre est d’ailleurs férié depuis 1894. La fête du Travail est célébrée, jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, par de grands défilés syndicaux à Montréal comme à Québec.

Dessin paru en une du quotidien montréalais La Patrie, le 2 mai 1907.

Une première manifestation ouvrière est toutefois organisée, à Montréal, le 1er mai 1906. C’est l’initiative de radicaux d’origines juives, qui sont rejoints par des Irlandais et des Canadiens français notamment. Quelques syndicats se joignent à la manifestation qui réunit environ un millier de personnes. La manifestation fait scandale, imaginez, on a osé faire parader le drapeau rouge dans les rues de Montréal! L’année suivante, plusieurs milliers de curieux assistent à la manifestation pour… applaudir la police qui confisque les drapeaux rouges. Des manifestations et des rassemblements, souvent interdits, ont lieu presque tous les ans dans la métropole jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. La tradition tombe par la suite dans l’oubli, le Québec était plongé dans la Grande Noirceur duplessiste.


La journée de 8 heures au Québec

Au Québec, comme ailleurs, les syndicats ont commencé très tôt à négocier la réduction du temps de travail. Même si l’on peut présumer que la journée de 8 heures était la norme dans les milieux syndiqués dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il a fallu attendre 1980, et la Loi des normes du travail, pour que la semaine normale de travail de 44 heures soit introduite au Québec. Ce n’est qu’en 1997 que la semaine de 40 h est devenue la norme légale.


C’est en 1973 que l’on manifeste pour la première fois dans les rues de Québec à l’occasion de la journée internationale des travailleurs et des travailleuses. Auparavant, les syndicats préféraient souligner la Fête du travail. Photo : Le Soleil.

Le 1er Mai à Québec

C’est en 1973, dans la foulée du front commun et de l’emprisonnement des leaders des centrales, que le mouvement syndical québécois décide pour la première fois de souligner le 1er Mai par des manifestations. L’objectif est de dénoncer la répression antisyndicale et de célébrer les luttes en cours.

À Québec, c’est le conseil central qui prend l’initiative de l’organisation, en collaboration avec la CEQ (aujourd’hui la CSQ). Selon l’article que Le Soleil consacre à l’évènement, la manifestation a réuni de 2 à 3 000 personnes en basse-ville et s’est terminée devant le 155, Charest Est par des feux d’artifice, un feu de joie (avec les pancartes) et… un bal. Les pompiers sont rapidement intervenus et le tout s’est déplacé à l’intérieur, dans l’édifice de la CSN, qui comptait alors une grande salle.

La manifestation du 1er mai 1973, vue du toit du 155 Charest Est. Il s’agit de la première célébration syndicale et populaire de la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs de l’histoire à Québec. Photo : archives du Soleil.

Le Premier Mai a par la suite été souligné de diverses façons au fil des ans à Québec que ce soit par des tournées de syndicats en conflits, des fêtes, des rassemblements sur l’heure du dîner ou par des manifestations avec des groupes communautaires. C’est l’occasion de mesurer le chemin parcouru par les travailleuses et les travailleurs et du chemin qui reste à parcourir dans la longue marche pour l’émancipation.


Extrait du numéro de mai 2020 du journal Le Réflexe